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Pakistan : les manœuvres de la dynastie Sharif pour rester au pouvoir

Le Parlement du Pakistan a élu, mardi, un nouveau Premier ministre en remplacement de Nawaz Sharif. Disqualifié du fait de soupçons de corruption, ce dernier entend propulser son frère à la tête de l’exécutif.

Évincé, mais pas tout à fait hors-jeu. Destitué du poste de Premier ministre par la Cour suprême pakistanaise à la suite de soupçons de corruption en lien avec les Panama papers, Nawaz Sharif entend bien continuer à tirer les ficelles du pouvoir en tant que chef du parti PML-N (la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz).

Le Parlement pakistanais a élu mardi un Premier ministre intérimaire. Sans surprise, la PLM-N, majoritaire, a choisi l'ex-ministre du Pétrole Shahid Khaqan Abbasi pour assurer l’intérim…. jusqu'à ce que le frère de Nawaz Sharif, Shahbaz Sharif, puisse lui-même prétendre au poste de chef de gouvernement.

Conserver le pouvoir via sa famille

Le frère cadet de l'ex-chef du gouvernement doit, en effet, d'abord se faire élire au Parlement fédéral pour pouvoir devenir Premier ministre. Shahbaz Sharif, qui occupe actuellement le poste de chef du gouvernement de la province du Pendjab, devrait rapidement se faire élire dans la circonscription électorale de son frère, désormais vacante, puis devenir Premier ministre. Shahbaz Sharif lui-même pourrait être remplacé par son fils, croit savoir la presse pakistanaise.

En choisissant son frère cadet comme successeur, Nawaz Sharif marque sa volonté de conserver le pouvoir, via sa famille. Un scenario dicté par ses démêlés judiciaires mais pas si éloigné de ses desseins : si Nawaz Sharif avait été jusqu’au bout de son mandat de cinq ans, c'est sa fille, Maryam, qui aurait été pressentie pour devenir son héritière politique.

La transmission du pouvoir par les liens de parenté ? La pratique est conforme à une tradition dynastique bien établie dans un pays où plus de la moitié des sièges d'élus nationaux ou provinciaux passeraient ainsi de père en fils… ou entre frères, dans le cas de l'ex-Premier ministre. "Ce qui est sous-entendu, c'est que Nawaz Sharif va continuer de peser sur ce qui va se passer d'ici aux élections et même peut-être pendant les élections", estime l'analyste politique Umair Javad dans un entretien à l’AFP.

"Ce n'est pas une démocratie mais un royaume !"

Mais la puissante famille Sharif, qui domine la vie pakistanaise depuis trente ans, dispose-t-elle encore des appuis nécessaires pour se maintenir au pouvoir ? Au sein de la PML-N, beaucoup voient dans la chute de Nawaz Sharif la main de la toute-puissante armée pakistanaise, qui a dirigé le pays pendant la moitié de ses 70 ans d'histoire. L'armée ne s'est pour l'heure pas exprimée sur sa destitution et n'a pas non plus commenté les accusations, selon laquelle elle en était à l'origine.

Et Shahbaz n’est pas Nawaz. Le frère cadet du Premier ministre déchu n’est pas aussi charismatique que son aîné, ce qui pourrait provoquer des divisions dans le parti. "Nawaz possède une aura politique personnelle que son frère n'a pas. Je pense que la dynastie va s'effilocher sous son frère", relève le journaliste et commentateur politique Omar Waraich dans un entretien à l’AFP.

La dynastie Sharif pourrait ainsi connaître le même sort qu’une autre célèbre dynastie politique pakistanaise : la famille Bhutto et son parti le Pakistan People's Party (PPP). Après l'assassinat en 2007 de sa leader Benazir Bhutto, qui fut la première femme à diriger le Pakistan, le puissant PPP perdit son influence. Aujourd'hui dirigé par le fils de Benazir, Bilawal Bhutto, il n'est plus que l'ombre de lui-même. "Les chefs bénéficient d'une meilleure marque que les partis. Benazir a toujours été une bien meilleure marque que le PPP. Nawaz Sharif a un bien meilleur label que ce le PML-N deviendra sans lui", souligne Omar Waraich.

Le caractère dynastique du transfert de pouvoir entre les frères Sharif est vivement dénoncé par le leader du principal parti d'opposition, le charismatique ex-champion de cricket Imran Khan. "N'y a-t-il personne d'autre dans votre parti qui puisse devenir Premier ministre ?", a-t-il lancé lors d'un meeting politique dimanche soir. "Ce n'est pas une démocratie mais un royaume !"

Avec AFP et Reuters