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Jérusalem : les portiques sont le "symbole d'une étendue de la souveraineté d'Israël"

La situation est explosive à Jérusalem depuis la mise en place par Israël de nouvelles mesures de sécurité autour de l'esplanade des Mosquées. Entretien avec Jean-Paul Chagnollaud de l’Institut de Recherche et d’Études Méditerranée Moyen-Orient.

La mise en place de détecteurs de métaux aux entrées de l'esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est, le 16 juillet, a provoqué des tensions qui ont dégénéré en violences meurtrières. Ce nouveau dispositif sécuritaire a été installé par Israël deux jours après une fusillade qui a coûté la vie à deux policiers israéliens sur ce site ultra-sensible au cœur du conflit israélo- palestinien depuis cinq décennies.

Depuis, des heurts entre manifestants et forces israéliennes ont fait cinq morts et des dizaines de blessés parmi les Palestiniens à Jérusalem-Est et en Cisjordanie occupés. En Cisjordanie, un Palestinien a tué à coups de couteau trois Israéliens à leur domicile vendredi soir dans une colonie israélienne.

En Jordanie, pays voisin, une fusillade dans l'ambassade d'Israël a fait dimanche deux morts jordaniens et un blessé israélien. Aucun lien n’a été formellement établi avec la situation à Jérusalem mais cela suscite l'inquiétude sur le risque d'un débordement au-delà des Territoires palestiniens.

France 24 : Sans un retrait de ces portiques de sécurité,  les violences sont-elles vouées à s’intensifier ?

Jean-Paul Chagnollaud : "La situation est fondamentalement dans l’impasse. Quelle que soit la solution que l’on va trouver, et ce sera le cas probablement bientôt, les raisons de cette crise vont demeurer. Il faut rappeler que Jérusalem-Est est un territoire occupé. Le fond du problème est là. Par conséquent, il y aura toujours des conflits similaires qui se reproduiront, surtout avec la politique menée par le gouvernement de Benjamin Netanyahu qui essaie de grignoter de la souveraineté jusque dans l’esplanade des Mosquées. Cette affaire de portique n’est pas qu’une histoire matérielle ou technique, elle est le symbole de ce grignotage de la souveraineté."

Donc enlever ces portiques ne changera rien ?

"Il faut distinguer la conjoncture donnée, même dans son incandescence actuelle, et les raisons profondes qui font que ces violences ont éclaté. On peut trouver une solution provisoire à cette crise en cherchant une alternative à ces portiques mais le fond demeurera. La vraie question est celle du statu quo sur l’esplanade des Mosquées et surtout le fait qu’Israël contrôle la partie Est de Jérusalem. Fondamentalement, oui, cela ne changera rien et d’autres crises, d’autres violences ne manqueront pas de surgir."

Que peut faire le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu dans les prochains jours pour sortir de cette crise ?

"Il devra calmer le jeu, d’une manière ou d’une autre. Les États arabes vont forcément prendre des positions assez fortes, la communauté internationale va appeler à l’apaisement et Mahmoud Abbas (le président de l'Autorité palestinienne, NDLR) a déjà fait savoir qu’il couperait tous contacts avec Israël, ce qui est une nouveauté importante. Dans ce contexte, Benjamin Netanyahu a tout intérêt à trouver une solution. Ce sera une solution technique qui cachera une vraie question politique. Il faudra forcement qu’il recule un peu, c’est évident. S’il ne le fait pas, ces portiques vont devenir le symbole d’une étendue de la souveraineté d’Israël. Ils doivent disparaitre d’une manière ou d’une autre. De quelle manière ? Seront-ils remplacés par des caméras ? Je n’en sais rien."

Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit ce lundi en urgence et à huis clos pour discuter de ces violences, à la demande de la France, de la Suède et de l'Égypte. Qu’en attendre ?

"Il va sans doute prendre quelques décisions pour essayer de surmonter la crise actuelle mais cela n’ira pas forcément très loin. La seule chose qu’il pourrait vraiment faire serait de prendre le problème par la racine et utiliser cette crise, comme cela se fait beaucoup dans les relations internationales, pour tenter d’aborder les questions sur le fond. Mais, à mon avis, le conseil de sécurité n’ira pas dans cette direction, mais tentera de trouver des réponses très conjoncturelles. Il appellera les parties à la retenue alors qu’il y a, encore une fois, la réalité d’une occupation militaire. C’est un peu comme si cette crise était le révélateur d’une situation de fond."