Une photo prise lors de la première réunion sur le Brexit illustre le fossé qui sépare Bruxelles et Londres. Les négociations qui ont débuté lundi 17 juillet ont mis en lumière les différences entre les deux camps.
Tout l’esprit du début des négociations euro-britanniques sur le Brexit encapsulé dans une photo. Prise le 17 juillet, elle montre les deux camps : celui du M. Brexit européen, Michel Barnier et deux conseillères, face à son homologue britannique, David Davis et deux membres de sa délégation, attablés et prêts à démarrer les discussions.
Cette rencontre, qui a constitué le premier round de pourparlers décisifs pour l’avenir des relations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, portait notamment sur la question cruciale de l’addition à payer par Londres pour solder ses comptes européens avant de quitter le marché unique. Le Royaume-Uni pourrait avoir à payer jusqu'à 100 milliards d'euros.
Jeu de sept erreurs
Cependant, la photo ne rend pas compte des forts enjeux de la rencontre. Tout au plus pourrait-on penser que ces six négociateurs sont réunis pour discuter de l’harmonisation de la taille des bananes en Europe, tant le lieu semble anodin. La pièce retenue pour ces négociations, mal éclairée, ne donne pas envie d’y rester des heures pour fignoler les détails d'un accord complexe.
Tout y respire la salle de réunion de troisième zone, ou peut-être un bureau réservé à une ancienne huile de l’UE promue à un placard doré. Même les cadres semblent avoir été accrochés au mur à la va-vite, quand ils ne sont pas tout simplement posés à même des petits placards de bureaux, tout droit sorti d’un surplus d’un magasin But. Les livres qui s’y empilent font penser à ces exemplaires de presse dont les journalistes ne veulent pas et qu’ils laissent trainer sur leur table en incitant les collègues à les emporter.
Mais ce n’est rien comparé aux négociateurs qui donnent l’impression de s’être mis d’accord pour proposer au photographe un petit jeu des sept erreurs. Les Britanniques semblent franchement hilares d’être là, tandis que les représentants de Bruxelles offrent à l’objectif leur sourire le plus crispé possible. L’un des émissaires de Londres s’est même permis de se mettre à l’aise dans son siège alors que tous les autres tentent de se tenir le plus droit possible.
L’impression d’une délégation britannique plus dilettante que celle de Bruxelles se voit aussi aux mains. David Davis et l’un de ses collègues semblent prêts à se tourner les pouces. Le troisième homme de Londres a, quant à lui, les bras croisés dans une position on ne peut plus attentiste.
Quel décalage avec Michel Barnier et ses conseillères ! Ils ont, tous trois, les mains fermement posées sur une pile de dossiers qu’on imagine aisément contenir un résumé dense des points clefs à aborder lors des négociations. Les Britanniques n’ont, quant à eux, amené aucun document. L’un d’entre eux a tout de même pensé à emporter un petit carnet noir assorti d’un stylo jaune fluo. À partager à trois ? L'impression de désinvolture est telle qu’on se demande si le camp britannique ne s’est pas prêté à une petite mise en scène, de manière de suggérer qu’ils n’attendaient pas grand-chose de ces négociations.
“Se mettre au travail” ?
La prise de vue en dit, finalement, bien plus long sur l’état des pourparlers que les propos tenus par David Davis après cette première réunion. Ce politicien britannique connu depuis longtemps pour ses positions eurosceptiques avait déclaré qu’il était enfin “temps de se mettre au travail et de mener ses négociations à bien”.
Michel Barnier, pour sa part, s’est dit prêt à “geler” les négociations si Londres ne mettait pas des propositions et de la bonne volonté sur la table.
Même de l’autre côté de la Manche, l’attitude désinvolte de la délégation britannique a été critiquée. Le responsable pour le parti travailliste des questions relatives au Brexit, Keir Starmer a été atterré par ce comportement. “Comment peut-on affirmer qu’il est temps de se mettre au travail et quitter Bruxelles pour rentrer à Londres aussi vite”, s’est-il emporté en visant David Davis. Car on ne vous l’a pas encore dit, mais le M. Brexit britannique a quitté les négociations peu après la photo, laissant ses équipes s’occuper de tout.
Il est revenu à Bruxelles le jeudi 20 juillet pour résumer l'état d'avancement des négociations en les qualifiant de "positives". Michel Barnier a souligné que les positions britanniques devaient encore être clarifiées. Deux hommes encore et toujours pas sur la même longueur d'onde.