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Ministre des Finances de la zone euro : Merkel ne dit pas non

La chancelière allemande Angela Merkel s'est, pour la première fois jeudi, montrée ouverte à l'idée de la création d'un poste de ministre des Finances de la zone euro. Une victoire politique pour Emmanuel Macron.

Un ministre des Finances de la zone euro ? "On peut en parler." La formule manque peut-être d’enthousiasme, mais cette déclaration de la chancelière allemande Angela Merkel à l’issue du 19e conseil des ministres franco-allemand, jeudi 13 juillet, représente une vraie victoire politique pour Emmanuel Macron.

Le président français a toujours soutenu un projet plus fédéraliste pour l’Europe. Il a notamment plaidé à plusieurs reprises durant sa campagne électorale pour la nomination d’un ministre des Finances de la zone euro, doté d’un budget propre.

Homme fort

Mais rendons à César ce qui n’appartient pas à Emmanuel Macron. L'idée d'un grand argentier pour la monnaie unique européenne a depuis longtemps les faveurs des milieux pro-européens français. Elle apparaît depuis le début de la crise grecque en 2010 comme une solution aux faiblesses de la zone euro. Les atermoiements et lenteurs de Bruxelles pour venir à bout des crises de la dette souveraine seraient, en partie, dû à cette absence d’un homme fort capable d’incarner la politique économique de l’union monétaire. L’eurogroupe, le rassemblement des ministres européens des Finances, souffrirait de cette collégialité où les intérêts nationaux l’emporteraient sur l’intérêt communautaire.

Dès octobre 2011, les États membres de la zone euro reconnaissaient, lors d’un sommet européen, qu’il fallait des "mécanismes afin de garantir une plus grande cohérence dans les messages". Le Fonds monétaire international (FMI) soutient, d’ailleurs, depuis longtemps une telle évolution. Cela fait donc six ans que l’Europe cherche à mettre fin à la cacophonie.

Cela fait aussi six ans que l’Allemagne freine des quatre fers. Un ministre des Finances de la zone euro, doté d’un budget propre, signifie forcément une mutualisation des risques – une idée dont Berlin ne veut pas entendre parler. L’argent proviendrait en effet de tous les pays membres pour, entre autres, aider ceux qui en auraient le plus besoin. L’Allemagne, bon élève budgétaire européen, craint de se retrouver à payer pour les cigales européennes.

Il est ainsi symptomatique que dans les textes européens en français, le terme de "gouvernement économique" apparaît à plusieurs reprises, alors que la traduction allemande ne parle jamais que de "coopération économique".

Un rôle à définir

Mais le Brexit et la montée des populismes en Europe ont démontré que la zone euro avait besoin d’être davantage incarnée. "Les propositions d'Emmanuel Macron apparaissent comme la dernière chance pour l'Union européenne face à la défiance et aux crises à répétition", prévient la Deutschlandfunk, la radio publique allemande. Angela Merkel aurait cédé devant l’urgence de trouver une solution.

Si la volonté politique existe dorénavant, les économistes mettent en garde contre la tentation de présenter un tel ministre comme la solution miracle. Cela créerait une telle attente que "les déceptions n'en seraient que plus grandes", juge Clemens Fuest, directeur de l’Institut économique allemand Ifo. "On aurait l’impression qu’il est en charge de toute la politique financière européenne, alors que les grandes décisions relèveront toujours des parlements nationaux", rappelle-t-il.

Pour lui, ce poste créerait surtout de la confusion. Chacun aurait des attentes différentes : les uns espérant qu’il dirige des grands plans d’investissement européens, tandis que les autres voudraient qu’il se transforme en policier des budgets européens. Au final, il "deviendrait surtout le nouveau bouc émissaire européen", estime cet économiste.

Pour éviter une telle dérive, un tel personnage devrait disposer d'une vraie marge de manœuvre. "Il faudrait une véritable harmonisation fiscale entre les États membres pour qu'il puisse agir au niveau européen, ce qui n'est pas pour demain. Je crois qu'une désintégration de la zone euro est plus probable", préviens Joze Damijan, économiste à l’Université de Ljubljana (Slovénie).

Mais un ministre des Finances de la zone euro avec des vrais pouvoirs et un budget propre pose aussi un défi démocratique. Qui contrôlerait son action ? "La vraie priorité serait de doter la zone euro d’un Parlement ou d’une assemblée devant laquelle un tel ministre des Finances serait responsable”, estime l’économiste français Thomas Piketty.