
Lundi, Emmanuel Macron monte à la tribune du Congrès à Versailles, pour fixer les "priorités" de son quinquennat, à la veille de la déclaration de politique générale du Premier ministre. Une démarche contestée par nombre de parlementaires.
Emmanuel Macron poursuit l'exercice d'"autorité démocratique". Après son discours prononcé le soir de sa victoire devant la pyramide du Louvre, le président "jupitérien" convoque lundi 3 juillet à 15 h les députés et sénateurs en Congrès, sous les ors du château de Versailles. S'il n'est pas le premier à réunir le Congrès – Nicolas Sarkozy l'a fait en 2009 dans un contexte de crise économique et François Hollande après les attentats de novembre 2015 –, Emmanuel Macron sera le premier à s'exprimer devant les parlementaires moins de deux mois après son investiture, sans qu'aucune urgence liée à l'actualité ne l'y oblige.
Une adresse solennelle aux parlementaires pour fixer le cap de son quinquennat, la veille de la déclaration de politique générale du Premier ministre. Ce calendrier a été sévèrement critiqué par une partie de la classe politique, qui dénonce une "humiliation" pour Édouard Philippe. Des parlementaires regrettent également que le discours présidentiel soit suivi d’un débat sans vote, comme le prévoit la Constitution.
Nous n'irons pas au #Congrès de #Versailles pour dénoncer la dérive pharaonique de la monarchie présidentielle. https://t.co/GppCi8Kggw
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 29 juin 2017"Une dérive pharaonique"
Devant l’impossibilité de voter, des députés "Insoumis", mais aussi des centristes de l'UDI, ont annoncé qu'ils boycotteraient le discours du président de la République, raillant une pratique du pouvoir trop personnelle. Dès le 29 juin, Jean-Luc Mélenchon a notamment fait savoir que les députés de La France insoumise ne se rendraient pas à Versailles en signe de protestation contre ce qu'ils considèrent être "une dérive pharaonique de la monarchie présidentielle".
De son côté, l’entourage présidentiel juge assez paradoxal le refus de participer à cet exercice. "On est face à un moment de démocratie qui est un moment important, le président de la République fait le choix de venir s'exprimer devant la Nation et donc de rendre des comptes", souligne-t-on. "Qu'est-ce qu'on peut faire comme plus grand moment de démocratie, en tout cas dans l'expression, à part une élection, que ce discours devant le Congrès ?"
Un avis que partage Didier Maus, professeur de droit constitutionnel. La démarche de Macron est "totalement dans la cohérence constitutionnelle, institutionnelle et politique de la Ve République. Il utilise les pouvoirs qui sont à sa disposition et il a raison de le faire".
Un "télescopage"
Reste les critiques liées au calendrier. Le discours, rédigé par sa "plume" Sylvain Fort, sera complémentaire de celui d'Édouard Philippe, mardi devant l'Assemblée, assure-t-on dans le cercle présidentiel, balayant les critiques émises par une partie de la classe politique sur un "télescopage". "Le discours du Premier ministre est travaillé et pensé en accord total avec le président de la République, il n'y a pas une feuille de papier à cigarette entre la présidence et Matignon."
À noter que cette intervention présidentielle "renforce l'idée d'un régime présidentiel dans lequel l'exécutif n'est plus partagé entre le président et le Premier ministre, estime Benoît de Valicourt, conseiller en communication et auteur du site L'Observateur du dimanche à France 24. C'est désormais le président qui demande au Premier ministre d'exécuter la politique pour laquelle il a été élu. Il y a un risque d'un régime hyperprésidentiel au détriment du pouvoir législatif. D'ailleurs, la particularité du Congrès est qu'il n'y a pas de question et pas de débat avec le président."
La révolution menée par le Congrès
L’invitation parlementaire a vocation à devenir un "rituel" annuel, "conformément à un engagement de campagne", ajoutent des proches du chef de l’État. La démarche s’inspire largement du discours sur l’état de l’Union prononcé chaque année par le président américain devant la Chambre des représentants et le Sénat.
Avec ce "temps démocratique", le chef de l'État entend donner de la perspective à l'action qui sera menée sur les cinq ans, voire au-delà, inscrire son action en tant que président dans le temps long, souligne-t-on dans son entourage. "L'on peut évoquer une révolution populaire initiée par le pouvoir, poursuit Benoît de Valicourt. En gros, à l'inverse de la convocation des États généraux en 1789 par le roi, qui a entraîné la révolution, en 2017, le président convoque le Congrès pour leur demander de mener la révolution."