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Le Front national en quête d'une boussole politique

L’entre-deux tours des législatives met davantage en lumière le clivage entre les deux lignes économiques qui s’opposent au sein du Front national. Un débat qui sera tranché après les élections, affirme Marine Le Pen.

Le cauchemar de Marine Le Pen va-t-il bientôt prendre fin ? Alors que la présidente du Front national (FN) avait de grands espoirs pour 2017, rien ne se déroule comme prévu. Battue sèchement par Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle, elle doit maintenant composer, à quelques jours du second tour des législatives, dimanche 18 juin, avec un parti qui se déchire et qui n’obtiendra vraisemblablement pas plus d’une poignée de députés à l’Assemblée nationale.

En obtenant un peu moins de 3 millions de votes, soit 13,20 % des voix au niveau national, au premier tour des législatives, le FN a connu un échec peut-être encore plus retentissant qu’à la présidentielle. Non seulement le parti d’extrême droite a perdu 7,6 millions d’électeurs entre le second tour de la présidentielle et le premier tour des législatives, mais il a également fait moins bien qu’en 2012 (3,5 millions de votes, soit 13,60 %, au premier tour des législatives cette année-là).

"C’est un résultat assez inquiétant pour le FN, souligne Jean-Yves Camus, chercheur à l’Iris, spécialiste de l’extrême droite, contacté par France 24. D’un point de vue politique, mais aussi financier puisque le financement public des partis politiques est basé sur les résultats aux législatives. Avec moins de trois millions de voix, le FN devra faire avec une manne financière moins importante qu’espérée. Un échec aggravé par l’absence probable de groupe parlementaire à l’Assemblée nationale."

Alors que les dirigeants frontistes espéraient, il y a encore quelques semaines, l’élection d’une cinquantaine de députés, les projections issues des sondages ne leur en accordent qu’entre 1 et 5. Mais "rien n'est joué", a assuré Marine Le Pen, mardi 13 juin, lors d’une conférence de presse à Soissons. "Nous pouvons avoir plus d'élus, plus de députés que ce que la presse nous prédit, ou d'ailleurs ce qu'elle nous souhaite", a-t-elle ajouté.

"Des propos économiques sans queue ni tête"

Aux mauvais résultats électoraux s’ajoutent les tensions internes. La ligne souverainiste du numéro deux du FN, Florian Philippot, qui place la sortie de l’euro au cœur du projet frontiste, subit, depuis la défaite de Marine Le Pen à la présidentielle, de nombreuses attaques, ravivées depuis dimanche.

"Quand on tient des propos économiques sans queue ni tête, que l'on se place aussi loin des préoccupations du monde de l'entreprise et des salariés, artisans et commerçants, on paye évidemment le prix de ses mauvaises analyses", a tancé Robert Ménard dans les colonnes du Figaro. "Il faudra trancher définitivement le débat sur la sortie de l'euro et la ligne économique", prévient le maire de Béziers, qui n’appartient pas officiellement au Front national mais en est proche.

"Tout a joué, mais c'est vrai que la problématique de l'Europe et de l'euro, il faudra retravailler pour l'avenir", a également estimé Louis Aliot, vice-président du FN et compagnon de Marine Le Pen, tout en regrettant que des débats internes aient été lancés durant la campagne des législatives.

Au-delà des déclarations des principales figures du FN, le clivage sur la ligne économique, et donc sur l’affichage "ni droite-ni gauche", apparaît aussi au grand jour dans cet entre deux-tours des législatives.

Des candidats FN qui appellent à voter pour La France insoumise

Plusieurs candidats éliminés ont ainsi appelé à voter au second tour pour le candidat de La France insoumise (LFI). Pour Eric Dillies (1ere circonscription du Nord), "les choses que nous avons en commun" avec le candidat LFI "sont plus importantes que celles qui nous divisent". C'est "nullement une question" de ligne mais une volonté d'avoir une opposition à En Marche !, l’a soutenue la philippotiste Amélie Dutheil de la Rochère, éliminée en Moselle, tandis que Gauthier Bouchet (8e circonscription de Loire-Atlantique) a, lui, affirmé dans un premier temps sur Twitter qu’il voterait pour La France insoumise avant d’effacer son tweet.

À l'opposé, quelques candidats ou élus FN ont appelé à voter pour des candidats LR mais aussi, dans le Vaucluse, pour des Ligue du Sud – le parti de Jacques Bompard – au nom de "l'union des droites".

Enfin la position de "seul candidat de droite" a été déclinée par plusieurs des 102 candidats FN confrontés à un duel avec un candidat La République en marche, comme Frédéric Boccaletti, patron du FN dans le Var, ou Julien Odoul, son homologue dans l'Yonne, tirant profit de l'élimination de LR.

Un reflet du débat au sommet du parti : avant sa retraite politique temporaire, Marion Maréchal-Le Pen compte tenir un dernier meeting de soutien, vendredi 16 juin, à un de ses proches candidats dans le Tarn-et-Garonne, avec comme slogan "L'Union à droite".

Mais la grande explication de texte attendra la fin de la séquence électorale, d’autant que les résultats du second tour des législatives pourraient être déterminants dans le rapport de force entre tenants de la ligne souverainiste et les autres.

"Ceux qui parlent doivent d’abord franchir l’obstacle de dimanche, souligne Jean-Yves Camus. Si ceux qui s’opposent à la ligne Philippot ne sont pas élus, ce sera compliqué pour eux de poursuivre la contestation. D’autant que si Marine Le Pen est l’une des rares parlementaires à siéger, elle saura qu’elle le doit notamment au succès de ce discours anti-européen dans le Pas-de-Calais."

Un bureau politique du Front national est programmé pour le mardi 20 juin. Rétabli président d’honneur du parti par la justice, Jean-Marie Le Pen prévoit de s’y rendre, selon Le Parisien et l’AFP. De quoi ajouter encore un peu plus de piquant aux discussions internes.