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Manchester-Sud, l'improbable banlieue résidentielle au cœur de l'enquête

de notre envoyée spéciale à Manchester – Jusqu'à lundi, la ville de Manchester n'avait jamais fait parler d'elle en matière de terrorisme islamiste. Reportage dans le sud de la ville où vivait le terroriste et où personne, ou presque, n'avait envisagé un tel scénario.

Des enfilades de maisons en briques rouges avec leur bout de jardin clôturé le long de rues bordées d'arbres. C'est dans ce cadre inattendu de la banlieue sud de Manchester (nord-ouest) que semble se diriger l'enquête sur l'attentat de Manchester, qui a coûté la vie, lundi 22 mai, à 22 personnes, principalement des enfants et des adolescents.

C'est ici qu'a grandi Salman Abedi, le kamikaze, qui s'est fait exploser à la Manchester Arena, à l'issue d'un concert. C'est dans cette banlieue résidentielle, également, que plusieurs personnes ont été arrêtées, mercredi, la police évoquant désormais un possible réseau.

Manchester, plaque tournante du terrorisme islamiste ? Jusqu'à présent, cette réputation était réservée à Birmingham, à une centaine de kilomètres au Sud, régulièrement pointée comme l'un des grands foyers de jihadistes en Europe. Rien de tel jusqu'à lundi à Manchester : immédiatement après l'attentat, d'ailleurs, certains voulaient croire que l'attaquant venait d'ailleurs. Mais c'est bien "un local boy" qui a frappé Manchester.

La mosquée qu'a fréquentée l'auteur présumé de l'attentat se situe à Didsbury, un quartier cossu de la banlieue sud. Devant le bâtiment en briques rouges de ce qui fût autrefois une église, un homme âgé explique à des journalistes n'avoir jamais entendu ici de "discours de haine".

Un peu plus loin, dans le district plus populaire mais tout aussi tranquille de Fallowfield, c'est l'incrédulité. "Je ne pensais pas que ce genre de choses pouvait arriver ici. Le monde est vraiment en plein chaos", regrette Zafarullah après avoir arrêté de passer l'aspirateur dans sa voiture. Cet ancien professeur d'auto-école qui a silloné le quartier pendant vingt-huit ans n'a rien vu venir : "C'est très mixte par ici, très universitaire. Il y a des étudiants qui viennent de partout". À une rue de chez lui, pourtant : la maison où vivait Salman Abedi. Désormais sous surveillance policière.

Un précédent médiatique dans le quartier autour de la radicalisation

Quand on lui demande s'il est surpris par ce qui se passe dans le quartier, Dealersingh, 58 ans, répond, lui, par la négative : "Vous savez, je suis un chauffeur de taxi et je vois ce qui se passe et je sais qu'il va s'en passer encore". Il connaît bien le secteur : il vit depuis 1998 à Chorlton, encore un autre district de Manchester-Sud. "Un joli endroit très cosmopolite avec plein de cafés, de bars et des magasins", décrit-il, avant de préciser que c'est le quartier où a été arrêté, mardi, un frère de Salman Abedi.

Dealersingh dit avoir observé depuis deux, trois ans dans le quartier des changements de comportement et de façon de s'habiller chez certains musulmans. Lui qui est sikh dénonce l'émergence d'"une vision de l'islam importée d'Arabie saoudite" et "des imams venus du Pakistan". Il est aussi très critique vis-à-vis des deux écoles musulmanes pour filles : "Si vous n'interagissez pas avec les autres, il n' y a pas d'intégration", juge cet immigré de la troisième génération, qui se dit contre les écoles sikhs pour les mêmes raisons.

Sur Princess road, la grande rue juste derrière la maison de Salman Abedi, un immense espace vert attire l'attention : c'est la Whalley Range High School. Cet établissement avait fait parler de lui en 2014 : cet été-là, deux éléves, Salma et Zahra, des soeurs jumelles, s'étaient enfuies en Syrie pour rejoindre le groupe État islamique, après s'être radicalisées en ligne.