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Cannes : les polémiques auxquelles vous n'échapperez pas

Le Festival de Cannes ne serait pas le Festival de Cannes sans ses polémiques. À la veille du lancement de la 70e édition, petit tour d'horizon des scandales qui pourraient s'inviter sur la Croisette.

Le Festival de Cannes n’a pas encore donné le coup d’envoi de sa 70e édition que les polémiques ont déjà fait leur apparition. Depuis février, les associations anticorrida ont protesté contre l’attribution de la présidence du jury à Pedro Almodovar, les réseaux sociaux se sont indignés des retouches opérées sur Claudia Cardinale pour les besoins de l’affiche officielle, et les professionnels français se sont émus de la présence en compétition de deux films produits par Netflix (on y reviendra). Rien que du classique, en somme.

Le plus dur reste à venir. Dès le lever de rideau, ce mercredi 17 mai, Cannes va voir débarquer sur sa mythique Croisette tout ce que le monde médiatico-culturel compte d’observateurs ronchons, de gardiens du temple cinéphile et de dénicheurs de faux pas qui ne manqueront pas de faire monter la sauce. Alors qu’est-ce qui risque de défrayer la chronique cette année ? Faisons le point.

• La controverse Netflix ?

C’est le dossier le plus brûlant de cette 70e édition : la présence en compétition de "Okja" et de "The Meyerowitz Stories", deux films qui sortiront sur la plate-forme de vidéos à la demande de Netflix et non sur grand écran. De quoi irriter les exploitants français qui déplorent un court-circuitage de leurs réseaux de salles.

Pour éteindre l’incendie, les organisateurs cannois ont fixé une nouvelle règle : à partir de 2018, ne seront sélectionnés que les films assurés d’être distribués en Hexagone. Nouveaux cris d’orfraie. Cette fois-ci, des réalisateurs et producteurs indépendants qui craignent de ne plus pouvoir placer leurs œuvres à Cannes. Si cette restriction avait été d’usage en 2010, avancent-ils, "Oncle Boonmee", qui n’avait alors pas de distributeurs français, n’aurait jamais pu être en compétition et n’aurait donc jamais gagné la Palme d’or.

Depuis, c’est la foire d’empoigne, tout le monde cherchant un responsable à cette décomposition du paysage cinématographique. C’est la faute à Netflix qui fait du chantage, c’est la faute aux pouvoirs publics qui surprotègent les exploitants, c’est la faute aux producteurs qui ne jurent que par les salles obscures et – pourquoi pas – la faute aux Insoumis qui se sont abstenus sur la question et la faute à Emmanuel Macron parce qu’il était banquier.

• Le "Kidmangate" ?

Vous n’aimez pas Nicole Kidman ? Évitez la Croisette cette année. L’actrice australienne figure dans pas moins de quatre productions de la sélection officielle, dont deux en compétition ("Les Proies" et "Mise à mort du cerf sacré"). Du jamais-vu. À part, peut-être, pour Isabelle Huppert (qui est, elle, dans seulement deux films de cette sélection, petite forme).

Thierry Frémaux, le programmateur en chef du Festival, ne s’en cache pas : Nicole Kidman est une bonne amie. Mais, attention, si la qualité des films n’est pas du niveau attendu en pareille circonstance, les accusations de favoritisme iront bon train. Après le naufrage de Sean Penn l’an passé, Thierry Frémaux prendrait-il encore le risque de sélectionner un mauvais film par amitié ?

• Le tollé Trump ?

Réalisateurs et acteurs américains n’y couperont pas. Le moindre micro tendu sera l’occasion de récolter un avis éclairé sur Donald Trump. Compte tenu du peu d’affection qu’Hollywood porte au nouveau locataire de la Maison Blanche, il est fort probable qu’on assiste à une déferlante de déclarations peu amènes à son endroit. On a l'habitude, pas de quoi polémiquer donc. Non, le scandale arrivera plutôt par celui ou celle qui, à la faveur d’une conférence de presse, se mettra à chanter les louanges du président-twitteur : "Trump is amazing. He’s doing a good job. Smart guy !" Plus qu’un dérapage, un suicide professionnel.

• La bataille de "Twin Peaks" ?

Vingt-cinq ans après le meurtre de Laura Palmer, l’agent Dale Cooper revient à "Twin Peaks", et c’est Cannes qui a la primeur de l’événement. Belle prise pour le Festival, qui ne s’était pas encore positionné sur le terrain très fertile de la série (à noter que Jane Campion présentera, elle, la saison 2 de "Top of the Lake"). La présentation de deux premiers épisodes de la saison 3 est d’autant plus attendue que David Lynch, son créateur, a annoncé qu’il se retirait définitivement du cinéma. Bref, hormis une soirée vegan parrainée par Gérard Depardieu, on voit mal ce qui pourrait susciter davantage de buzz sur la Croisette cette année.

Las, la file d’attente risque d’être rapidement classée rouge par Bison Futé. Seuls les invités et les journalistes bien accrédités auront la chance d’accéder facilement à la projection. Les autres devront faire preuve de patience et d’une certaine aptitude à jouer des coudes pour espérer y assister (à ce petit jeu, l’avantage revient aux habitués de la ligne 13 du métro parisien). Les refoulés, eux, ne manqueront pas de manifester leur mécontentement sur les réseaux sociaux, en tentant, dans un élan désespéré, de pourrir la réputation du Festival ("Hé ho, @Festival_Cannes, on vous demande de sélectionner des films, pas le public… C’est pas à Berlin ou à Toronto que ça se passerait comme ça #segregationculturelle #OKLM"). Bref, nous ne sommes pas à l’abri d’une émeute. Et d’un attentat pâtissier visant les organisateurs. À la tarte aux cerises, évidemment (les vrais savent pourquoi).

• Le scandale "Bozo le clown" ?

Vincent Lindon dans la peau du sculpteur Rodin, Jeanne Balibar dans celle de la chanteuse Barbara (enfin presque) et Louis Garrel dans celle de Jean-Luc Godard… On pensait les "biopics" spécialités hollywoodiennes, mais ce sont les Français qui s’illustreront davantage dans le genre cette année. À leurs risques et périls…

On l’a vu par le passé, se lancer dans un film biographique peut vous apporter plus d’ennuis que d’entrées en salles. Depuis "Grace de Monaco", qui avait péniblement ouvert le Festival en 2014, le réalisateur Olivier Dahan s’est mis la famille Grimaldi à dos (imagine, le prince Albert, il ne veut plus jamais te parler, ça craint). Quant à Bertrand Bonello, on sait que son film sur Yves Saint Laurent n’avait pas été du goût de Pierre Bergé, ancien compagnon et gardien de la mémoire du styliste.

A priori, la famille de Rodin – qui, on le rappelle, est mort il y a tout juste 100 ans –, ne devrait pas être trop tatillonne avec le biopic signé par Jacques Doillon. En revanche, on peut s’attendre à ce que la comédie que Michel Hazanavicius a consacrée à Jean-Luc Godard ne provoque quelques mouvements d’humeurs chez les admirateurs du réalisateur suisse. Dans la bande-annonce, on peut voir que Louis Garrel a bien bossé son personnage : même élocution, même gestuelle. Pas sûr que le mimétisme soit bien perçu par tous les festivaliers. Avant même avoir vu le film, certains ont comparé la prestation du jeune acteur français à celle de "Bozo le clown". Il y a, dans la cinéphilie, des statues qu’on ne touche pas…

Ce qui fait la magie de Cannes, c’est aussi – et surtout – l’imprévu. Une polémique qu’on n’a pas vu venir peut exploser à tout moment, lors d’une interview, d’une pose pour les photographes, d’une soirée trop arrosée ou d’un Palmarès mal ficelé. Le plus grand scandale serait justement qu’il n’y en ait pas.