Elle n'existait pas avant, mais la Nouvelle-Zélande l'a créée exprès suite au phénomène "13 Reasons Why" : une nouvelle catégorie a fait son apparition dans sa réglementation de visionnage. Pour regarder la série, un mineur devra être encadré.
Tout le monde en parle : "13 Reasons Why", la série qui retrace les raisons qui ont poussé la jeune Hannah Baker au suicide, à travers 13 cassettes dans lesquelles elle explique son geste, fait l'effet d'une bourrasque chez les jeunes. Très vite, une inquiétude et une question ont émergé : et si, comme le roman "Les souffrances du jeune Werther" en son temps, la fiction avait le pouvoir de lancer une vague de suicides au sein d'un public fragile qui en déduirait que se donner la mort est une solution légitime ? C'est ce qui avait été reproché à l'œuvre de Goethe. Hors de question pourtant de plaider la censure : elle ne ferait qu'attiser la curiosité sur un objet fictif de toute façon pensé comme une campagne de sensibilisation.
Néanmoins, pour éviter tout risque avec la série produite par Selena Gomez et adaptée du roman éponyme (2009) de l'écrivain américain Jay Asher, le gouvernement néozélandais a pris une mesure exceptionnelle : la création d'une nouvelle catégorie, dans sa réglementation de visionnage, qui stipule qu'un mineur qui regarde "13 Reasons Why" ne peut le faire autrement que sous la supervision d'un adulte. Une mesure prise par un pays qui fait déjà face à un niveau plutôt élevé de suicides.
L'équivalent néozélandais de notre conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) avait déjà deux niveaux de restrictions, appelés RP13 et RP16, qui équivalent à des interdictions aux moins de 13 et 16 ans. Un communiqué du conseil (disponible en ligne) rapporte que le RP16 a été envisagé, avant d'être jugé insuffisant. C'est ainsi que le RP18 a été créé pour la série. Tout en reconnaissant que"13 Reasons Why" a "un mérite significatif" qui est celui de parler du mal-être adolescent, le CSA néozélandais a regretté que la série n'établisse pas un lien plus évident entre le suicide et la maladie mentale. D'autant plus que la scène où l'héroïne se donne la mort donne des clés sur sa façon de le faire, ce qui pourrait être considéré comme involontairement "instructif".
Libérer la parole sans "glamouriser" le suicide
Aider les ados à communiquer sur leur tristesse et ne pas faire l'apologie du suicide : ces préoccupations ont été anticipées par des associations avec lesquelles la production a travaillé. Surtout, la sortie de "13 Reasons Why" est entourée de numéros d'appels à l'aide, autant de plateformes dédiées aux adolescents en proie à la dépression. Massivement regardée et commentée, une telle production a le mérite de créer la conversation autour de ce thème tabou. Tout a donc été imaginé pour que la série ne "glamourise" pas le suicide et ne donne pas de mauvaises idées aux adolescents, un public par définition vulnérable.
Pour autant, ci et là, on raconte que chez les adolescents souffrant déjà de troubles dépressifs et suicidaires, par exemple à la clinique spécialisée l'Institut Douglas, au Canda, "il y a déjà un effet '13 Reasons Why'". "On a vu à la clinique des ados en cours de traitement avoir encore plus d'idées suicidaires après avoir écouté les premiers épisodes. La série a aggravé leur état", a ainsi expliqué le docteur Johanne Renaud, chef médical du programme de pédopsychiatrie à l'Institut universitaire en santé mentale Douglas, dans des propos rapportés par le quotidien québécois La Presse.
Difficile pour autant de reprocher à la série son succès : en portant à l'écran des sujets aussi importants que le suicide, le viol, le harcèlement scolaire et le sexisme, elle aide à libérer la parole. Reste à encadrer son visionnage chez le public le plus sensible.
– Selon The Hollywood Reporter, une deuxième saison est déjà en cours de discussion. Des scénaristes travailleraient depuis des semaines sur le projet.
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