logo

Les violences qui ont ébranlé Urumqi, la capitale de la province du Xinjiang (nord-ouest), témoignent des profondes divisions ethniques entre les Ouïghours, musulmans, et les Hans, l'ethnie majoritaire en Chine.

Les violences qui secouent depuis dimanche la province du Xinjiang et ont contraint le président Hu Jintao à quitter le sommet du G8, mettent en lumière une profonde division ethnique que le gouvernement chinois s’efforce d’étouffer.

Les émeutes meurtrières entre l’ethnie des Ouïghours, musulmans, et l’ethnie han, majoritaire en Chine, se seraient déclenchées à la suite de protestations d’Ouïghours critiquant la gestion par Pékin d’un précédent conflit entre ouvriers ouïghours et hans.

Bien que les autorités chinoises se targuent d’avoir apporté de meilleures conditions de vie au Xinjiang, région peu peuplée mais riche en pétrole, les Ouïghours se plaignent d’être victimes d’une discrimination et d’une répression constantes de la part des Hans, au pouvoir dans la province. Il faut dire que le gouvernement chinois n’a jamais caché sa méfiance à l’égard d’une communauté qu’il considère comme étant un refuge de militants séparatistes, dont les méthodes ne sont pas sans rappeler celles des pires terroristes.

Une majorité gouvernée par une minorité

La colère ouïghoure trouve ses racines dans les configurations démographiques du Xinjiang. Les 10 millions d’Ouïghours turcophones qui y habitent en font l’ethnie majoritaire de la province. Pourtant, les Hans l’ont toujours gouvernée, sous la houlette du Parti communiste chinois. De fait, selon les Ouïghours, les Hans souhaiteraient inverser la balance ethnique de la région.

Corinna-Barbara Francis, spécialiste de la Chine au sein d’Amnesty International, affirme à FRANCE 24 que le gouvernement chinois pousse les Hans à venir s’installer dans la région en menant "l’une des nombreuses politiques discriminatoires qui privilégient les Chinois hans en leur assurant un grand nombre d’avantages".

"Les Ouïghours ont été littéralement expulsés de leurs terres et communautés traditionnels", poursuit Corinna-Barbara Francis, prenant l’exemple d’Urumqi, où se sont déroulés les récents affrontements. La ville, traditionnellement ouïghoure, est maintenant peuplée à 80% de Hans.

Discriminations religieuses, culturelles et économiques

Face à une Chine laïque très suspicieuse à l’égard de l’islam, les Ouïghours, en grande partie des musulmans sunnites, ont la quasi-interdiction de pratiquer leur culte, selon Jacques de Goldfiem, spécialiste de l’Asie à l’université de La Rochelle, interrogé par FRANCE 24. Le gouvernement han du Xinjiang "surveille en permanence les écoles coraniques par peur d’insurrections".

Autre motif de la colère ouïghoure : la disparition progressive de l’enseignement de leur langue dans les écoles, en accord avec les directives du gouvernement han.

Pékin conteste ces accusations, préférant souligner l’impressionnante croissance économique du Xinjiang et l’amélioration des conditions de vie de ses habitants sous l’autorité des Hans. Pourtant, les Ouïghours affirment qu’ils ont été écartés du développement économique de la province. "Ils sont limités à des postes subalternes, créant ainsi un sentiment de frustration sociale", confirme Jacques de Goldfiem.

Pékin brandit le spectre terroriste

Pour les autorités chinoises, l’origine de cette flambée de violence se situe ailleurs. Pékin a accusé Rebiya Kadeer, une femme d’affaires ouïghoure vivant aux Etats-Unis, et présidente du Congrès mondial ouïghour, d’avoir orchestré les protestations.

Une accusation qui s’inscrit dans la lignée d’un bon nombre d’autres allégations selon lesquelles les Ouïghours sont liés à Al-Qaïda et ont fomenté, depuis 1990, plusieurs attentats contre des civils. Les groupes de défense des droits de l’Homme affirment pour leur part que le gouvernement chinois a profité de la "guerre contre la terreur" menée par l’administration Bush après les attaques du 11-Septembre pour réprimer l’ethnie ouïghoure.

Des groupes séparatistes et des mouvements indépendantistes existent bel et bien dans le Xinjiang. Mais ils évoluent dans l’ombre, contraints à la clandestinité par le pouvoir central.