Rima Khalaf, secrétaire générale adjointe des Nations unies, a présenté vendredi sa démission après que le secrétaire général de l'ONU lui a demandé d’annuler un rapport accusant Israël de soumettre les Palestiniens à un régime d'apartheid.
Le conflit israélo-palestinien n’en finit pas de susciter des remous à l’ONU. La secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale des Nations unies (CESAO), Rima Khalaf, a présenté vendredi 17 mars sa démission après que le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres lui a demandé l’annulation d’un rapport rédigé par ses soins. Le rapport estime qu'Israël a soumis les Palestiniens à des conditions de vie pouvant s'apparenter au régime d'apartheid.
"Le secrétaire général de l'ONU m'a demandé hier matin de retirer (le rapport), je lui ai demandé de reconsidérer sa décision mais il a insisté. Sur ce, je lui ai présenté ma démission de l'ONU", a annoncé Rima Khalaf lors d'une conférence de presse à Beyrouth.
Basée à Beyrouth, la CESAO est composée de 18 pays arabes, dont l'État de Palestine en tant que membre à part entière. Elle œuvre à renforcer la coopération et à promouvoir le développement entre ces pays.
"Crime d’apartheid"
Selon ce rapport, les Palestiniens sont soumis à une "fragmentation stratégique" permettant à Israël d'imposer une "domination raciale" avec des lois différentes en fonction des régions.
"Israël est coupable d'imposer un régime d'apartheid au peuple palestinien, ce qui correspond à la commission d'un crime contre l'humanité", y est-il écrit.
Le 15 mars, les États-Unis, principal allié d'Israël, ont réclamé le retrait du rapport de la CESAO, se disant "outrés" par le texte qui conclut que l'État hébreu est "coupable de politiques et de pratiques constitutives du crime d'apartheid".
"Qu'une propagande à ce point anti-israélienne émane d'une organisation dont la quasi-totalité des membres ne reconnaissent pas Israël n'est pas surprenant", a commenté l'ambassadrice américaine aux Nations unies Nikki Haley.
"On s'attendait bien sûr à ce qu'Israël et ses alliés exercent des pressions énormes sur le secrétaire général de l'ONU pour qu'il désavoue le rapport et qu'ils lui demandent de le retirer", a réagi, pour sa part, Rima Khalaf, de nationalité jordanienne, lors de son point de presse.
Le secrétaire général a également pris ses distances avec le rapport, indiquant par la voix de son porte-parole Stéphane Dujarric que "le rapport en l'état ne reflète pas les positions du secrétaire général" et qu'il a été rédigé sans consultations avec ce dernier.
"Renforcer la crédibilité de Guterres" vis-à-vis de Washington
D’après des sources de France 24 à l’ONU, le secrétariat général avait pourtant pris connaissance de ce rapport depuis plusieurs mois. Le document a été diffusé, sans être rendu public, dès le 15 décembre 2016, avant la nomination de Gutteres. Ce dernier aurait eu tout le loisir de le contester avant sa publication mercredi.
Après un peu plus de trois mois en poste, le secrétaire général de l’ONU semble avoir partiellement cédé aux pressions de l’administration Trump qui cherche à réduire les critiques vis-à-vis d’Israël.
"En un sens, cette mini-crise constitue une bénédiction politique pour Guterres : il avait désespérément besoin de montrer aux États-Unis qu’il n’était pas anti-Israël. Son agacement vis-à-vis de ce rapport et la démission de Khalaf lui permettent de renforcer sa crédibilité auprès de Washington", a expliqué Richard Gowan, spécialiste de l'ONU au Conseil de l'Europe pour les Affaires étrangères, à France 24.
L’expert estime toutefois que les États-Unis vont continuer d’exercer une pression sur Guterres qui risque cependant de perdre sa crédibilité auprès des pays arabes.
" Cet incident va achever de porter atteinte à l’image de l’ONU dans le monde arabe et laisser penser aux officiels de l’institution que Gueterres ne les protègera pas des pressions américaines à l’avenir. Il y aura une crainte que le secrétaire général soit prêt à sacrifier des individualités pour préserver le bon fonctionnement de l’organisation".
C’était la deuxième fois depuis la prise de fonction d’Antonio Guterres que celui-ci demandait à Rima Khalaf de retirer un rapport. Le premier était un document portant sur l’injustice dans le monde arabe.
Avec AFP