
Alors que des contacts entre l'équipe de campagne du président américain et les renseignements russes ont été révélés, des médias ultra-conservateurs comme Breitbart ou Fox News crient au complot visant à renverser Donald Trump.
C’est Donald Trump lui-même qui a sonné la charge. "Pourquoi tant d’informations fuitent à Washington ? C’est ça, le vrai scandale”, s’est emporté le président des États-Unis, mardi 14 février, au lendemain de la démission de son conseiller à la Sécurité nationale Michael Flynn. Une attaque à peine déguisée contre le FBI soupçonné par la Maison Blanche d’avoir susurré à l’oreille des journalistes, que le président était au courant du détail des appels passés par Michael Flynn avec des officiels russes.
Message reçu cinq sur cinq par les médias pro-Trump qui développent jusqu’à plus soif, depuis deux jours, un double argumentaire : la faute de celui qui est à l’origine de la fuite est au moins sinon plus grave que celle de Michael Flynn, et elle révèle une collusion entre les services de renseignement et les médias “libéraux” pour empêcher la nouvelle administration de travailler correctement.
De "gorge profonde" à la théorie du complot
La riposte de la “trumposphère” a débuté par une attaque en règle contre la "gorge profonde". Dans sa dernière interview en tant que conseiller à la Sécurité nationale, accordé mardi 14 février au très droitier site Daily Caller, Michael Flynn qualifie de “criminelle” la fuite d’informations. La très influente chaîne conservatrice Fox News a repris la même terminologie à son compte suggérant qu’un procureur devrait ouvrir une enquête sur “ce crime”. Cette insistance sur la gravité prêtée à la “faute” du lanceur d’alerte permet de relativiser celle de Michael Flynn qui n’a encore reçu aucune qualification pénale.
Il est très vite apparu que l’avalanche de révélations risquait d’éclabousser aussi Donald Trump. D’une chasse à la taupe, les médias “amis” sont alors passés à la théorie du complot. “La Maison Blanche craint une opération de sabotage du complexe de l’industrie du renseignement”, rapporte mercredi 15 février Infowars, un site fondé par l’animateur de radio conservateur et amateur de théories du complot Alex Jones. Pour Breitbart – le site d’extrême droite dirigé jusqu’en août 2016 par Steven Bannon, désormais chef de la stratégie à la Maison Blanche – tout est de la faute du “deepstate”, une construction chère à cette publication qui désigne un supposé État dans l’État, aux mains d’espions, de journalistes et d’à peu près tous les ennemis désignés de Breitbart à Washington. Le Daily Caller publie même un article “exclusif”, tout en conditionnel et en sources anonymes, pour révéler les efforts des “espions pour ‘flinguer’ Mike Flynn’” avant de chercher à “renverser le président élu”.
Sus aux “fake news” ?
Fox News fait encore plus fort : sur une vingtaine d’articles accessibles, jeudi 16 février, sur la page d’accueil de leur site, seuls quatre ne traitent pas d’une manière ou d’une autre du complot. La chaîne multiplie les angles – analyses, interviews, éditoriaux, reportages – pour alimenter en continu et en nouveaux contenus leur cheval de bataille : dénoncer le “jeu d’espions” qui nourrit “l’hystérie médiatique”.
Cette dénonciation du complot permet à ces médias, à l’image d’Infowars, d’assurer qu’il y a une campagne de “fake news” (fausses informations) menée par des services de renseignements. Toute ressemblance avec les accusations portées contre la Russie lors de l’élection américaine (campagne de propagande pro-Trump fondée sur des fausses informations) par le camp démocrate n’est pas fortuite : le camp pro-Trump tente de suggérer qu'un ennemi aussi dangereux que l'espion russe agit de l'intérieur. Donald Trump a l'intention, d'après le New York Times, de nommer un milliardaire ami (le patron de hedge funds Stephen Feinberg) pour superviser les services américains du renseignement.