Attribué dans un premier temps au Groupe islamique armé (GIA), l'assassinat des moines français de Tibéhirine, en 1996, serait dû à une "bavure" de l'armée algérienne, selon un général français cité par Le Figaro et le site Mediapart.
Un général français à la retraite, François Buchwalter, aurait confié le 25 juin à la justice française que la mort des sept moines trappistes français de Tibéhirine, en mai 1996, était due à une "bavure" de l’armée algérienne, selon le journal Le Figaro et le site Mediapart.
Ancien membre des secrets français, François Buchwalter était notamment attaché de défense en Turquie, au Sahara et en Algérie, entre 1995 et 1998, soit au plus fort des opérations terroristes. Il fonde son témoignage sur celui d’un ancien officier algérien, qui lui-même l’aurait recueilli de son frère, lequel aurait conduit l’opération ayant abouti à la mort des moines trappistes. Au juge d'instruction antiterroriste Marc Trévidic, il a ainsi déclaré qu’une escouade de l’armée algérienne patrouillait en hélicoptère dans la région entre Médéa et Blida, dans la Mitidja, lorsqu’elle a repéré un bivouac qu’elle prend pour une base de djihadistes. "Les militaires décident d’attaquer pour se rendre compte, une fois à terre, de leur bévue", poursuit-il, tout en ajoutant, selon Le Figaro et Mediapart, "c’est difficile pour moi d’en parler". Des personnes, qu’il se refuse à citer, l’auraient sommé de ne rien dire de cette affaire.
Pas de réaction officielle
Plusieurs fois accusées d’être à l’origine de la mort des moines, les autorités algériennes ont toujours répliqué par de fermes démentis, arguant que "les trappistes ont été tués par le Groupe islamique armé [GIA]" dont des membres ont raconté l’opération dans le détail après leur capture.
En Algérie, la publication de ce témoignage n’a pas suscité de réaction officielle. Mais dans les cercles politico-médiatiques, le débat bat son plein. Et c’est plutôt un climat de suspicion tourné vers l’Hexagone qui prime. Pour la journaliste du Quotidien d’Oran Ghania Oukazi, "il est étrange de voir l’affaire [des moines] rebondir au lendemain des célébrations du 47e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie - le 5 juillet 1962", de même qu’il est étrange "que le général français construise son témoignage sur la base d’un témoignage recueilli auprès d’un officier algérien". La journaliste en conclut que cette nouvelle polémique "a pris racine en Algérie et obéit à des considérations politiques, sachant que le président Bouteflika s’apprête à dévoiler la création d’un ‘super ministère’ de la sécurité et du renseignement qui toucherait jusqu’à l’institution militaire et les services de secrets".
"Si l’armée a tué les moines…"
Ghania Oukazi ajoute qu’Abdelaziz Bouteflika avait annulé un discours devant les cadors de l’armée, prévu à l’occasion du 5 juillet, ce qui laisse supposer qu’il était au courant de ce nouvel épisode dans l’affaire des moines trappistes. Le témoignage du général français, dit-elle, pourrait aussi viser la politique d’amnistie du président algérien, destinée aux islamistes ayant aprticipé à des actions armées. Pour quelles raisons ? Selon Ghania Oukazi, "si l’armée a tué les moines, elle pourrait aussi avoir commis d’autre crimes, et cela laverait les islamistes de toute charge".
De son côté, le directeur de la publication du quotidien arabophone Al-Bilad, Abdelkader Djomâa, affirme ne pas être étonné par la divulgation de cette information à ce moment précis. Il explique que l’enquête "finira bien par dévoiler la vérité sur cette affaire", précisant que le "groupe terroriste à l’origine du crime a reconnu les faits à bien des reprises". En attendant, la polémique enfle.