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La compétence du Parquet national financier au cœur de la défense de Fillon

Depuis lundi 6 février, la défense de François Fillon dénonce l’incompétence du Parquet national financier pour enquêter sur les délits présumés du candidat de la droite. France 24 fait le point avec un avocat du barreau de Paris.

"Mes avocats viennent de signaler au Parquet financier qu’il n’était sans doute pas compétent pour se saisir de cette affaire." Lundi 6 février, lors de sa conférence de presse "vérité", François Fillon a questionné la légitimité du Parquet national financier (PNF) pour mener l’enquête portant sur les emplois présumés fictifs de son épouse Penelope. Mardi, son avocat, Antonin Lévy, estimait par ailleurs devant des journalistes que les irrégularités dans l'enquête la rendaient "nulle".

"Le Parquet national financier n’est pas livré à lui-même"

Qu’en est-il ? Le Parquet national financier est une toute jeune institution dans le paysage judiciaire français. Créé par une loi du 6 décembre 2013 et officiellement installé en mars 2014, il est né dans la foulée du plus grand scandale de la présidence Hollande : l'affaire Cahuzac. Selon la loi, le PNF est compétent pour les atteintes à la probité (corruption, trafic d'influence) et les délits de fraude fiscale d'une grande complexité ainsi que pour le blanchiment de l'ensemble de ces infractions. En bref, la délinquance financière de haut vol.

Les faits de détournement de fonds public qui sont reprochés à François Fillon relèvent-ils du champ d’action du PNF ? "Cela n’est pas une compétence exclusive du Parquet national financier mais une compétence partagée avec le Parquet de Paris. Avant l’ouverture de l’enquête préliminaire, il y a donc eu concertation entre le PNF et le Parquet général comme le prévoit la circulaire du 31 janvier 2014", explique l’avocat au barreau de Paris Thierry Vallat, interrogé par France 24. "Le PNF n’est pas livré à lui-même, il est sous l’égide du procureur général de Paris. C’est un schéma qui ne fonctionne pas trop mal", estime l’avocat.

"Une saisie rapide n’est pas une première"

"Le Parquet financier s’est saisi en 24 heures. Les premiers témoins ont été entendus en 48 heures", a relevé François Fillon lundi devant les journalistes. Quelques jours plus tôt, l’avocat Éric Dupont-Moretti, qui ne défend pas François Fillon, s’était dit, sur Europe1, "estomaqué" par la célérité du PNF. Pour Thierry Vallat, "une saisie rapide n’est pas une première". Quant aux enquêtes préliminaires du PNF, il relève qu’elles sont, de fait, "plutôt rapides par rapport à d’autres parquets" même si, avec 15 magistrats, "les moyens du PNF ne sont pas démesurés", selon lui. Dès lundi, le PNF avait répondu à François Fillon que l'enquête se déroulait avec "la célérité et la sérénité appropriées".

Le Parquet National Financier répond à François #Fillon et justifie sa saisine pic.twitter.com/TxNywjxd3S

— Alain Acco (@Alain_Acco) 6 février 2017

Autre argument de la défense de Françoise Fillon : la justice n'a pas, au nom du principe de séparation des pouvoirs, à se mêler du libre exercice du mandat du parlementaire. "La qualification de détournement de fonds publics est inapplicable pour un parlementaire", a ainsi écrit Antonin Lévy, l’avocat de François Fillon, dans la note qu’il a adressée au PNF lundi.

Dans l’émission C à vous, sur France 5, lundi, le ténor du barreau Éric Dupont-Moretti a renvoyé à un traité parlementaire rédigé sous la troisième République qui stipule que les règles concernant les attachés parlementaires sont définies par le bureau de l’Assemblée et qu’on ne peut envisager des poursuites qu’à compter du moment où ce bureau a déjà fait une enquête. "En d’autres termes, le PNF est incompétent", tranchait Éric Dupont-Moretti, qui défendra en appel Jérôme Cahuzac, condamné en première instance à trois ans de prison ferme pour fraude fiscale par le PNF.

Thierry Vallat, estime, lui, qu’attendre que les députés s’autosaisissent est "un vœu pieux". D’autre part, "sans contester la nature de l’enveloppe parlementaire, si ces fonds ont servi à un emploi fictif, on est dans du détournement de fonds publics", estime-t-il.

Quid de l’indépendance du PNF à l’égard du ministère de la Justice ? "On est dans un système judiciaire où le Parquet n’est pas indépendant. C’est un vieux débat mais c’était le même système quand François Fillon dirigeait le gouvernement", souligne Thierry Vallat.

"Une ligne de défense adaptée au dossier"

Les fuites dans la presse des procès-verbaux d’audition du couple ont indigné les soutiens de François Fillon. "C'est la police ou le Parquet national financier qui vous communiquent les pièces", a lui-même fustigé lundi l’avocat Éric Dupont-Moretti devant deux journalistes du Monde.

Sources de l'affaire #PenelopeGate : "C'est la police ou le PNF qui vous communique les pièces"

▶️ https://t.co/ZmZBys9BJk#CàVous pic.twitter.com/cFjpAZ6ZM9

— C à vous (@cavousf5) 6 février 2017

"La violation du secret de l’instruction est toujours déplorable", agrée Thierry Vallat, qui souligne "l’amertume inévitable des protagonistes qui n’ont pas accès au dossier et découvrent les éléments dans la presse".

Pour l’avocat parisien, la ligne de défense choisie par l’avocat de François Fillon — contester la compétence du PNF — est "logique" et "adaptée au dossier". Selon lui, "c’est typiquement une défense où on épluche le code de procédure pénale car c’est sur la forme que l’on gagne ce genre d’affaire".