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Pourquoi la vague de ralliements socialistes vers Macron n’a pas eu lieu

Seuls quatre parlementaires socialistes ont officiellement rejoint Emmanuel Macron depuis la victoire de Benoît Hamon à la primaire de la gauche. Pour l’aile droite du PS, les raisons de ne pas bouger dans l’immédiat supplantent la tentation Macron.

Elle avait été annoncée pour la fin janvier et devait entraîner avec elle le Parti socialiste tout droit vers une mort certaine. La vague des parlementaires PS ralliant Emmanuel Macron n’a finalement pas eu lieu. Depuis la victoire de Benoît Hamon, dimanche 29 janvier, à la primaire socialiste, seuls les députés Dominique Baert, Alain Calmette et Marc Goua ainsi que le sénateur Maurice Vincent ont officiellement annoncé leur soutien à l’ancien ministre de l’Économie.

Il y a bien eu un "droit de retrait" de la campagne de Benoît Hamon annoncé par une vingtaine de députés du pôle des réformateurs dans une tribune publiée dans Le Monde, fin janvier, mais ceux-ci n’ont pas déclaré pour autant qu’ils rejoignaient le candidat d’En Marche. Aucun mouvement à signaler, non plus, après la déception qu’a représenté pour eux la réunion du groupe socialiste, mardi 8 février, avec le vainqueur de la primaire de la gauche.

Les signataires du droit de retrait avaient pourtant listé cinq sujets sur lesquels ils espéraient voir évoluer le candidat à l’élection présidentielle : le revenu universel, le 49-3 citoyen, l’abrogation de la Loi travail, la laïcité et le poids fiscal qui pèsera sur les classes moyennes. Mais l’appel de ces députés n’a pas été pris en compte par Benoît Hamon.

"Il nous a présenté sa stratégie pour la campagne et a écouté Gilles Savary qui s’est exprimé en notre nom, mais je n’ai pas senti chez lui quelqu’un qui cherchait à nous convaincre. Beaucoup de parlementaires sont ressortis frustrés car la réunion n’a pas duré longtemps et que nous n’avons jamais eu l’occasion de débattre. On est donc resté sur un constat de désaccord", regrette le député de Paris Christophe Caresche, interrogé par France 24.

Ces députés du pôle des réformateurs reconnaissent tous être bien plus proches politiquement d’Emmanuel Macron que de Benoît Hamon. La logique voudrait qu’ils se mettent "en marche", mais ils préfèrent temporiser. Voici leurs raisons.

  • La menace d’une exclusion

Il y a d’abord la peur de perdre son siège de député. Si Emmanuel Macron semble aujourd’hui porté par des sondages flatteurs, rien ne permet d’affirmer que son succès durera et rien ne garantit que les candidats En Marche aux législatives seront en position de l’emporter. Or, le Parti socialiste a prévenu dès la mi-décembre : les candidats qui ne soutiendront pas le candidat socialiste à l’élection présidentielle se verront retirer leur investiture PS. Un candidat "socialiste en marche", comme aime à se définir le député du Finistère Richard Ferrand, pourrait donc être contraint de faire campagne dans sa circonscription contre un nouveau candidat PS.

Le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, a même enfoncé un peu plus le clou, mardi 8 février, en mettant en garde les maires tentés par un parrainage en faveur d’Emmanuel Macron. "J'ai dit, et je n'ai pas bougé, que ceux qui le parraineraient ne seraient plus au Parti socialiste, a-t-il dit sur BFM TV. On ne peut pas être à la fois dans l'équipe du Parti socialiste et parrainer l'équipe adverse."

  •  La loyauté vis-à-vis du Parti socialiste

Il n’y a toutefois pas que le courage qui entre en jeu. L’histoire personnelle et l’attachement de chaque député au PS sont des facteurs à ne pas sous-estimer. "Cela fait 30 ans que je suis au Parti socialiste, je n’ai pas forcément envie de jeter le bébé avec l’eau du bain, explique ainsi à France 24 le député de Vendée Hugues Fourage. Partir, c’est ne pas accepter le vote qui a eu lieu. Ce serait aussi une forme de déni ou de lâcheté car si on s’inscrit un peu dans l’histoire, on s’aperçoit qu’il y a toujours eu des lignes opposées au sein du PS, que ce soit entre François Mitterrand et Michel Rocard ou même du temps de la gauche plurielle de Lionel Jospin."

En clair, on ne quitte pas un parti dans lequel on s’est construit, dans lequel on a connu des moments de joie et de tristesse, sur un claquement de doigts. "Il faut comprendre que c’est difficile pour des élus socialistes qui ont construit leur carrière politique avec le Parti socialiste et grâce aux militants de prendre une telle décision. Ce n’est pas un choix que l’on fait de gaîté de cœur", confirme à France 24 le député du Cantal Alain Calmette qui a, lui, franchi le pas en direction de Macron.

Malgré les désaccords de fond avec leur candidat à la présidentielle, de nombreux parlementaires socialistes sont donc enclins à respecter le choix de la primaire, sans toutefois l’approuver. Il s’agira pour eux d’appliquer le droit de retrait annoncé, mais rien de plus. "C’est clair que Hamon ne porte pas nos idées et qu’on est plus proches de Macron, je ne peux pas dire autre chose, reconnaît Christophe Caresche. Mais on n’est pas là non plus pour l’emmerder tous les jours. Il y a aussi une forme de loyauté de notre part, la situation est trop grave."

  •  L’appel de Manuel Valls à l’unité

Beaucoup de parlementaires socialistes ayant soutenu Manuel Valls durant la primaire ont entendu son appel quelques jours après sa défaite. L’ancien Premier ministre leur a demandé, lors d’une réunion à huis clos à la Maison de la Chimie, de rester "ensemble" et de ne pas courir chez Emmanuel Macron. Et de fait, ils sont nombreux à préférer attendre. "Une majorité d’entre nous a été convaincue par la demande de Valls", affirme le député de l’Eure François Loncle, interrogé par France 24. "Les gens attendent de voir comment ça se passe, comment ça se décante", ajoute Alain Calmette.

Entre soutenir Benoît Hamon et rejoindre Emmanuel Macron, c’est une troisième stratégie qui se dessine en creux derrière cette posture attentiste : laisser l’ancien frondeur être éliminé au premier tour de la présidentielle et récupérer la main sur le parti une fois sa défaite actée. "Le vrai sujet, ça va être la capacité à être au deuxième tour, estime Christophe Caresche. C’est une question qui finira par s’imposer et c’est ce qui finalement fera la différence, et pas seulement la question du réformisme."

  •  Le positionnement politique d’En Marche

Enfin, du côté d’En Marche, un afflux massif de parlementaires socialistes ne serait pas forcément le bienvenu. "On ne veut pas devenir un lieu de recyclage pour les socialistes déçus", confie ainsi à France 24 un proche d’Emmanuel Macron. Ce dernier a en partie bâti son succès actuel sur le rejet des partis traditionnels par les Français et n’a en effet aucune envie d’être brocardé par la droite en étant surnommé le "PS bis".