Près d’une centaine d’entreprises américaines de la high-tech ont déposé lundi une requête en justice contre le décret anti-immigration de Donald Trump. Elles estiment qu’il pourrait nuire à leurs activités.
Netflix, Spotify, Amazon, Google, Microsoft… En tout, 97 entreprises américaines du secteur des nouvelles technologies ont déposé lundi 6 février une requête en justice contre le décret anti-immigration de Donald Trump.
En officialisant un point de vue contraire à celui de la Maison blanche, les dirigeants de ces firmes ont pris une décision contraire à la règle que s’imposent généralement les entreprises : ne pas se déclarer pour ou contre le pouvoir en place de manière à ne pas froisser les consommateurs qui se trouvent autant dans un camp que dans l’autre.
Mais le décret anti-immigration signé le 27 janvier par le président a changé la donne.
Plus risqué de rester neutre que de prendre position
Face à la forte mobilisation de leurs salariés et des utilisateurs de leurs services contre le décret présidentiel, de nombreux PDG ont réalisé qu’ils ne pouvaient pas se permettre de s’aliéner les personnes qui les font vivre. Travis Kalanick, le PDG d’Uber, en a récemment fait l’expérience.
Alors que le dirigeant devait participer le 3 février, avec d’autres chefs d’entreprises, à un comité de conseil économique avec Donald Trump, il a été la cible de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux et s’est finalement retiré.
Choqués par le contenu du décret présidentiel, les internautes ont lancé sur Twitter le hashtag #DeleteUber ("supprime Uber"), incitant les utilisateurs du site à privilégier ses concurrents en signe de protestation.
Pour Daniel Korschun, professeur de marketing à la Drexel University, il est désormais plus risqué pour une entreprise de rester neutre que de prendre position dans un débat de société. Quel que soit leur bord politique, "la plupart des personnes estiment toujours que manquer d’honnêteté est plus inquiétant que d’exprimer une opinion différente de la sienne", affirme-t-il dans un article.
"Mes grands-parents sont arrivés d’Allemagne, d’Autriche et de Pologne"
Nombreux sont les "tech leaders", comme les appelle la presse américaine, à l’avoir compris et à avoir condamné le décret présidentiel. Des réactions qui s’expliquent d’autant mieux que les entreprises du secteur des nouvelles technologies comptent de très nombreux employés issus de l’immigration. Certaines ont même été fondées par des immigrés ou descendants d’immigrés.
Facebook est le fruit de l’imagination d’un petit-fils d’immigré, a ainsi rappelé sur sa page Mark Zuckerberg, le fondateur du réseau social, dès le 27 janvier : "Mes grands-parents sont arrivés d’Allemagne, d’Autriche et de Pologne. Les États-Unis sont une nation d’immigrés et nous devons en être fiers."
Le cofondateur de Google s’est lui aussi exprimé contre le décret présidentiel et s’est rendu samedi 28 janvier à la manifestation organisée devant l’aéroport de San Francisco, rapporte La Croix. Né en Russie, Sergueï Brin est arrivé aux États-Unis en 1979, à l’âge de 15 ans.
Microsoft, dont le PDG Satya Nadella est d’origine indienne, a soutenu la plainte déposée par le ministre de la Justice de l’État de Washington contre le décret. Celui-ci aurait pu nuire à l’activité de l’entreprise puisque 76 employés de la firme auraient été affectés par les mesures restrictives prévues. Microsoft a ainsi démontré que l’immigration est indispensable à son fonctionnement et son développement.
L’immigration, moteur de l’innovation dans la Silicon Valley
"L’innovation américaine et la croissance économique sont intimement liées à l’immigration", déclarent d’ailleurs les 97 signataires de la requête dès le début du texte, avant même d’évoquer toute notion de discrimination.
Les dirigeants du secteur des nouvelles technologies ont choisi de se concentrer sur un argument auquel devrait être sensible le président américain, milliardaire et chef d’entreprise : la menace pour l’économie que représenterait un arrêt de l’immigration.
Dans leur requête en justice, les entreprises signataires accusent le décret présidentiel d’avoir pour conséquences de "rendre plus difficile et plus cher le recrutement, l’embauche et le maintien en poste des meilleurs employés du monde. Il perturbe les opérations commerciales en cours et menace la capacité des entreprises à attirer des talents, des contrats et des investissements aux États-Unis".
Preuve que l’argument pourrait faire mouche dans l’entourage du président : Peter Thiel, le cofondateur de PayPal et l’un des rares soutiens de Donald Trump dans la Silicon Valley, a signé le texte.