Lancé en 2015, le réseau Le Carillon rassemble aujourd’hui 200 commerçants qui acceptent de rendre des services aux sans-abri. Une initiative pour la réinsertion sociale qui essaime en France et à l’étranger.
À 32 ans, venu du Mali, Mamadou est sans domicile fixe et depuis quelques semaines il est ambassadeur de l’association Le Carillon. Ce soir, il retrouve Paul, Elsa, Jacques et d’autres, pour un grand évènement : l'association, lancée en 2015 dans le 11e arrondissement de Paris, fête son extension à quatre autres arrondissements de la capitale.
Le Carillon repose sur un principe simple : des pictogrammes accrochés aux vitrines des commerces indiquent aux sans-abris que les établissements sont prêts à les accueillir pour leur offrir des services comme un café, une baguette, des prises pour recharger les téléphones, l’utilisation des toilettes, etc. L’idée est de recréer du lien afin d’"enclencher une nouvelle dynamique sociale", explique le site Internet de l'association. Aujourd'hui, pas moins de 200 commerçants ont rejoint le réseau.
Paris, Nantes, São Paulo...
Cette initiative est née de la collaboration entre Louis-Xavier Lucas et Guillaume Holsteyn, tous deux économistes de formation passés par l'humanitaire. Et elle séduit. Pour preuve, de nombreuses villes souhaitent aujourd’hui reprendre le concept.
Le Pape en personne les a félicités
Après Paris, c’est à Nantes et Marseille que l’association va s’étendre. São Paulo, Munich et Rome souhaitent également transposer les principes de fonctionnement du Carillon. Et depuis juillet dernier, les autorités municipales de Seattle sont en pleine expérimentation. Comment la collaboration se met-elle en place ? "On ouvre nos modèles, nos publications et on les accompagne parfois sur place, parfois par Skype, par échange de mails", explique Guillaume Holsteyn, cofondateur et coordinateur de l'association, à Mashable FR.
Le Carillon a même fait parler de lui jusqu’au Vatican. Le Pape en personne a tenu à s’entretenir par téléphone avec les fondateurs pour les féliciter. "Il nous a confié que l’initiative l’avait touché, ça nous a surpris", raconte Guillaume qui tient à préciser que son association est areligieuse. "On attend désormais les coup de fil de chefs d’État", ironise-t-il.
Une liste et des ambassadeurs
Au départ, l’initiative a pourtant eu du mal à rassembler. Le plus dur a été de convaincre les commerçants. "Certains voulaient privilégier des sans-abri français, d’autres refusaient complètement, avaient peur ou s’en fichaient", explique Guillaume Holsteyn. Progressivement, peut-être avec l’effet des attentats du 13 novembre, "un élan s’est fait sentir", assure le cofondateur. "On est passé de neuf refus sur dix à un refus sur quatre."
Au fur et à mesure que le projet se développe, l’organisation se densifie. Les établissements qui acceptent de rejoindre le réseau sont inscrits sur des listes transmises aux associations présentes sur le terrain, à l'instar de la Croix-Rouge. "Nous leur donnons nos listes et elles se chargent de les transmettre aux personnes à la rue pendant leur maraudes", explique Bénédicte, en stage au Carillon. Des SDF bénévoles sont nommés "ambassadeurs". Leur mission : se faire les relais du Carillon dans les rues et entretenir la visibilité l’association auprès des autres sans-abri.
Des chantiers de réinsertion professionnelle
Le projet solidaire semble porter ses fruits. Mais concrètement, comment cela se traduit-t-il ? Les perceptions sur l'image des sans-abri changent, selon Guillaume Holsteyn : "Les habitants tendent à ne plus regarder les SDF comme avant. Ceux qui étaient en bas de chez eux, sur les trottoirs de leurs immeubles se lèvent, ils sont moins agressifs et reprennent confiance en eux". Dans le 11e arrondissement de Paris, il y avait 7 toilettes publiques, elles sont aujourd'hui au nombre de 70, d'après Guillaume Holsteyn.
"On est passé de neuf refus sur dix à un refus sur quatre"
Désormais, Le Carillon souhaite diversifier ses missions. Après l’interaction par l’échange social, l’association souhaite miser sur l’activité professionnelle à travers des chantiers d'insertion et des contrats de travail. Une biscuiterie a ouvert ses portes dans les locaux de l’association et propose à un groupe de SDF de préparer des biscuits qu’ils livrent ensuite à vélo aux commerçants membres du réseau.
Dans la salle de la Maison des acteurs du Paris durable, les fameux biscuits "bios à la farine d’épeautre et à la cannelle préparés avec amitié" sont déposés sur une petite table. Derrière, c’est J.S., ambassadeur sans-abri du Carillon, qui assure la vente. Aucun prix n'est fixé, l'acte d'achat est purement symbolique et sert de pretexte à l'échange. C'est ce lien donnant-donnant fort qui porte le réseau Le Carillon. J.S. l'assure : l’initiative l’a fait "revivre", comme il l’explique à Mashable FR. "Avec les autres associations on ne fait que recevoir, là c’est nous qui donnons aussi, c’est magique."
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