
À peine ouvert, le procès des auteurs présumés de l'enlèvement et de l'assassinat en 2011 de quatre hommes, dont deux ressortissants français, à l'hôtel Novotel d'Abidjan a été renvoyé au 21 février.
En Côte d'Ivoire, le procès des "disparus du Novotel" devait débuter mardi 31 janvier à 10 h, heure locale, au palais de justice de Yopougon, grand quartier d'Abidjan. À peine ouvert, le procès a été renvoyé au 21 février en raison de l'absence d'un trop grand nombre des prévenus et les quelques présents n'ayant, pour la plupart, pas d'avocat.
L'affaire avait défrayé la chronique en 2011 : le 4 avril, un commando fait irruption dans l'hôtel Novotel, situé à 500 mètres de la présidence, alors que le quartier fait figure de dernier bastion de l’ancien président Laurent Gbagbo. Les hommes armés kidnappent alors quatre hommes : le directeur de l'hôtel Novotel d'Abidjan, Stéphane Frantz Di Rippel, Yves Lambelin, directeur général de Sifca, le plus grand groupe agro-industriel ivoirien et figure du patronat local, son assistant béninois Raoul Adeossi et le Malaisien Chelliah Pandian, directeur général de Sania, filiale de Sifca. Ils sont ensuite conduits au palais présidentiel, torturés et tués, selon le gouvernement du président Alassane Ouattara, installé après l'arrestation le 11 avril de son prédécesseur Laurent Gbagbo.
"Où ont disparu les corps ?"
Dans le box des accusés, dix personnes – dont huit militaires – vont comparaître. Selon l'acte d'accusation, cinq d'entre eux, dont le général Bruno Dogbo Blé, qui commandait la Garde républicaine, sont poursuivis pour "séquestration et assassinat", les autres pour enlèvement" et/ou "disparition de cadavres".
"Nous sommes surpris que ce soit un tribunal civil qui soit en charge de ce dossier, alors que ce sont des militaires qui sont principalement poursuivis dans cette affaire", a déploré Me Ange Rodrigue Dadjé, l'un des avocats de la défense.
L'avocat français des familles des victimes, Me Pierre-Olivier Sur, a déclaré attendre "trois choses du procès : savoir s'il y a des commanditaires ; où ont disparu les corps ; et pourquoi on les a arrêtés, puis tués".
"On veut notamment savoir qui a donné l'ordre. Il y a le général Dogbo Blé (ancien commandant de la Garde républicaine, déjà condamné à la prison à perpétuité dans une autre procédure), mais a-t-il reçu des ordres ? Au-dessus de lui, il n'y a que Laurent Gbagbo, ou Simone (son épouse)", explique Me Sur.
L'ex-président est actuellement jugé à la Haye, par la Cour pénale internationale (CPI) et son épouse, déjà condamnée à vingt ans de prison à Abidjan, comparaît aux assises dans une autre procédure.
Victimes d'un "enchaînement malheureux de circonstances"
Selon un enquêteur indépendant interrogé par l'AFP, et sous couvert d'anonymat, les quatre hommes ont été victimes d'un "enchaînement malheureux de circonstances". "Je ne pense pas que leur mort a été préméditée. Dogbo Blé était dépassé par les événements et sous la pression des 'patriotes'", alors que la bataille pour le pouvoir tournait en leur défaveur, a déclaré cet enquêteur.
Seul le corps d'Yves Lambelin a, pour l'heure, été identifié. La mort des trois autres personnes a été établie uniquement sur la base de témoignages et d'indices. La défense, qui parle d'une "instruction bâclée", sans "analyse balistique ou des ossements retrouvés", réfute complètement cette thèse.
"On est en train de vouloir condamner les innocents", affirme Me Ange Rodrigue Dadjé, avocat du général Dogbo Blé. Il estime que le camp Gbagbo n'avait "pas de mobile", puisque M. Lambelin avait "appelé" les entreprises "à payer leurs impôts à Gbagbo", alors qu'il "y avait deux présidences" concurrentes. Le procès doit durer entre deux et trois semaines.
Avec AFP