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Lafarge en Syrie : Bercy porte plainte contre le cimentier français

Bercy a déposé plainte au parquet de Paris cet automne sur de possibles infractions commises par le cimentier français Lafarge, qui a fait fonctionner une usine en Syrie malgré des interdictions européennes. C'est ce qu'a révélé, jeudi, l'AFP.

Le gouvernement français a saisi la justice, en septembre, sur de possibles infractions commises par le groupe cimentier Lafarge, qui a fait fonctionner une usine en Syrie malgré des interdictions européennes, révèlent, jeudi 19 janvier, des sources concordantes à l’AFP.

Joint par l'agence française, le ministère de l’Économie a confirmé avoir déposé une plainte au parquet de Paris, sans autre précision. Le parquet a ouvert une enquête préliminaire en octobre sur la base de cette plainte, a indiqué une source judiciaire.

La plainte de Bercy porte précisément sur une interdiction d'acheter du pétrole dans ce pays, édictée par l'Union européenne en 2012 dans le cadre d'une série de sanctions contre le régime de Bachar al-Assad, a expliqué une source proche du dossier à l'AFP.

Le fonctionnement de la cimenterie de Jalabiya, dans le nord de la Syrie, sous la responsabilité d'une filiale locale de Lafarge, a déjà fait polémique, quand le journal Le Monde avait révélé en juin de possibles arrangements financiers avec le groupe État islamique (EI).

Une usine fonctionnelle jusqu’en septembre 2014

En effet, contrairement à d'autres multinationales françaises installées en Syrie, qui ont mis la clé sous la porte dès le début du conflit en 2011, le géant du ciment a maintenu en activité, jusqu'en septembre 2014, son usine de Jalabiya, située à moins de 90 km de Raqqa, le fief de l’EI en Syrie.

Selon l'enquête signée Dorothée Myriam Kellou, qui collabore avec la rédaction de France 24, la société s'est efforcée d'assurer l'accès à l'usine des employés et des matières premières en recourant à des intermédiaires locaux. Sur la foi d'échanges de mails consultés par les journalistes du Monde, la direction de Lafarge à Paris était visiblement au courant de la situation. "Lafarge passait par des intermédiaires et des négociants qui commercialisaient le pétrole raffiné par l'EI, contre le paiement d'une licence et le versement de taxes", écrit Le Monde.

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Ces pratiques ont été confirmées par Jacob Waerness, gestionnaire de risques à Lafarge Syrie entre 2011 et 2013, dans un entretien exclusif accordé à France 24.

Mi-novembre, Le Monde et France 24 révélaient également le climat et les conditions de sécurité dans l'usine les années qui ont précédé. Le cimentier, aujourd'hui partie intégrante de l'ensemble LafargeHolcim, issu de la fusion avec le suisse Holcim, avait répondu en juin 2016 qu'après septembre 2012, le site, aujourd'hui fermé, était dirigé uniquement par mail et par téléphone et que les seules consignes qui étaient adressées concernaient la sécurité des employés.

De son côté, l'ONG Sherpa, qui défend les victimes de "crimes économiques", avait déposé une plainte avec constitution de partie civile en novembre 2016. Elle dénonçait notamment des faits de financement du terrorisme et visait plus spécifiquement les possibles arrangements de Lafarge avec le groupe terroriste, qui a revendiqué plusieurs attentats en France depuis 2015.

Cette plainte visait à obtenir l'ouverture d'une information judiciaire confiée à des juges d'instruction, ce qui n'est pas encore le cas à l'heure actuelle.

Avec AFP