
En Algérie, les élections législatives approchent. Conscients que leur influence sur le jeu politique a décliné ces dernières années, les partis islamistes fusionnent ou s'allient afin de se mettre en ordre de bataille.
Éclatée en de multiples formations, affaiblie par des luttes de pouvoirs, la mouvance islamiste en Algérie ne semble plus en mesure d'imposer ses idées dans le jeu politique. Alors que le pays renouvellera ses députés en avril lors des législatives, les partis islamistes tentent de s'organiser pour peser.
"Leur courant a été laminé, comme l'a été le courant démocratique" depuis l'arrivée au pouvoir du président Abdelaziz Bouteflika en 1999, souligne le politologue Rachid Grine. Lors des dernières législatives en mai 2012, les islamistes, qui espéraient surfer sur les victoires de leur mouvance dans les pays du Printemps arabe, avaient enregistré leur plus mauvais score depuis le premier scrutin pluraliste de 1990. Ils espèrent remonter la pente à l'occasion du scrutin d'avril qui se tiendra dans un contexte économique et social rendu délicat du fait de la chute des recettes pétrolières.
La nécessité de l'union
L'union est une nécessité", a affirmé Abdallah Djaballah à l'AFP. Son parti, le Front pour la justice et le développement (FJD) s'est rapproché en décembre d'El Binaa et du mouvement Ennahda, deux autres partis islamistes en vue d'une "alliance stratégique unitaire". Les législatives constitueraient la première étape en vue d'une fusion d'ici à la fin 2017.
Parallèlement, deux autres formations, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) et le Front du changement (FC), parti dissident du premier, ont annoncé début janvier leur prochaine fusion.
Ces deux alliances parallèles pourraient elles-mêmes se rapprocher pour un grand front islamiste. Nous allons rencontrer le MSP prochainement et voir ce que nous pourrons faire ensemble", a précisé Abdallah Djaballah.
Abderazak Mokri, président du MSP, affirme qu'il y a "un développement très important au sein de cette obédience" afin de "sortir de l'effritement" politique. L'objectif est de ramener, dans un mois ou deux, le nombre de partis islamistes de six à deux, selon lui.
Pour Rachid Tlemçani, expert de la vie politique algérienne, les chefs de file "ont pris conscience que l'islamisme politique a, dans ses diverses tendances, terriblement régressé". "Ils ne pensent pas remporter un grand succès aux législatives, alors ils essayent de se regrouper pour faire force commune", analyse le politologue.
Relevant la "fébrilité" du camp islamiste, il prévoit que la mouvance va "certainement" réunir des voix mais qu'elle "n'aura que son petit quota". Tandis que le politologue Rachid Grine estime plutôt qu'en cas d'union et "si les élections sont honnêtes, les islamistes seront sur le podium et feront partie des gagnants aux prochaines législatives".
Se présenter, c'est exister
Les islamistes sont d'accord pour ne pas mettre en cause leur participation aux législatives, qu'a prévu de boycotter le parti d'Ali Benflis, candidat malheureux face à Bouteflika en 2014.
"Nous n'optons pas pour la rue pour le moment car nous voulons préserver l'équilibre et sauvegarder la stabilité et la sécurité du pays", explique Abderazak Mokri. Il estime cependant que le temps est compté pour le gouvernement, qui devra tôt ou tard rendre des comptes à la population en raison de la situation économique et sociale. En attendant, "nous refusons de jeter de l'huile sur le feu car nous voulons qu'il y ait une transition politique dans la paix", précise le leader du MSP.
Il refuse "la politique de la chaise vide" même si, selon lui, la fraude électorale cible en particulier son parti qui dispose "de candidats partout en Algérie face au Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique) et au Rassemblement national démocratique (RND)".
Ces deux partis disposent de la majorité absolue dans l'actuel Parlement après avoir devancé, aux élections de 2012, les islamistes regroupés au sein de l'Alliance de l'Algérie verte dans laquelle figuraient le MSP qui venait de quitter le gouvernement, Ennahda (Renaissance) et El Islah (Reforme).
Après ce revers, les principaux partis islamistes n'avaient pas présenté, pour la première fois, de candidat à la présidentielle de 2014, à l'issue de laquelle Abdelaziz Bouteflika avait été réélu pour la quatrième fois.
Auparavant, l'unique victoire islamiste avait été celle du Front islamique du Salut (FIS) qui avait raflé la majorité des communes en juin 1990. Quelques mois plus tard, au 1er tour des législatives de 1991, le FIS était arrivé largement en tête, mais l'annulation des résultats par le pouvoir et la riposte de ce parti, dont des militants prirent les armes, entraînèrent le pays dans une guerre civile qui fit autour de 200 000 morts.
Avec AFP