
Lors de sa première conférence de presse, mercredi, le président élu Donald Trump a présenté un plan pour éviter tout soupçon de conflit d’intérêts une fois qu’il sera en poste à la Maison Blanche. Mais les mesures proposées ne sont pas suffisantes.
Donald Trump a enfin présenté les contours de son “mur” légal pour éviter tout conflit d’intérêts. Lors de sa première conférence de presse, mercredi 11 janvier, le milliardaire a dévoilé son plan pour instaurer une frontière aussi étanche que possible entre son futur poste de président des États-Unis et son ancien travail de patron de la Trump Organization. Avocats et spécialistes des questions d’éthique publique, eux, sont plus que dubitatifs.
Le multimilliardaire a annoncé qu’il allait céder le contrôle “complet et total” de son empire immobilier à ses deux fils tout en répétant, à raison, que la loi ne l’y obligeait pas. Il a ensuite laissé une de ses conseillères juridiques, Sheri Dillon, détailler les autres mesures qu’il comptait mettre en place. Ce plan pour parer à toute critique a été élaboré par le cabinet d’avocats Morgan Lewis… bien connu en Russie où il a remporté en 2016 un prix de meilleur cabinet d’avocats.
Le dispositif anti-conflit d’intérêts de l’équipe Trump comporte quatre principaux points qui ont déclenché une avalanche de critiques. Même Walter Shaub, le directeur de l’Office of Government Ethics (Office de l’éthique publique, qui a travaillé avec tous les présidents américains depuis 40 ans pour éviter des conflits d’intérêts), a jugé publiquement que les propositions de Donald Trump étaient très insuffisantes.
Céder le contrôle, mais rester le propriétaire. Donald Trump Jr et Eric Trump vont diriger la Trump Organization sans jamais en parler avec leur président de père. C’est la pierre angulaire du plan Trump.
Elle comporte une importante faille : Donald Trump ne vend pas ses parts dans l’empire familial et en reste le principal propriétaire. “De ce fait, il garde un intérêt financier évident à la réussite de ses affaires”, résume le site Slate.
Le président élu n’a pas opté pour ce que d’autres locataires de la Maison Blanche ont fait – de Lyndon Johnson à Bill Clinton – avant lui : mettre ses actifs dans un “blind trust” (fiducie sans droit de regard). Cette solution consiste à laisser un expert indépendant gérer les intérêts financiers du président en exercice. Il doit vendre les actifs de chef d’État qui pourraient poser problème et les remplacer par d’autres sans préciser au président lesquels.
Pas de nouveaux contrats internationaux, mais quid des anciens ? La Trump Organization ne pourra pas signer de nouveaux accords commerciaux internationaux durant la présidence de Donald Trump. Ainsi, il n’y aurait aucun risque de mélange des genres entre politique étrangère et intérêt commerciaux.
Sauf que la multinationale fait déjà des affaires dans une vingtaine de pays, et rien dans ce que Donald Trump ou Sheri Dillon ont dit n’indique que la Trump organization ne continuera pas à faire fructifier ses investissements passés. Le groupe pourrait donc décider d'agrandir un complexe hôtelier par ici ou menacer de mettre un terme à un contrat dans un pays dont la diplomatie ne plairait pas au président Donald Trump.
Un conseiller éthique, en toc ? Un conseiller éthique devra donner son accord à tout acte qui pourrait entraîner un conflit d’intérêts. Ce monsieur propre sera, d’après Sheri Dillon, une “personnalité reconnue du secteur public” qui pourra travailler en “toute indépendance”.
Aucune information n’a été fournie sur la manière dont ce conseiller sera choisi, si les dirigeants de la Trump Organization auront leur mot à dire sur cette désignation et s’il aura accès à toutes les informations, même les plus sensibles, du groupe pour mener sa mission à bien. Il y a, en outre, de fortes chances que cette personnalité “devienne un employé de la multinationale”, souligne le magazine Fortune. “Avoir un expert qu’on paie et qui dit que tout est en ordre, ne va pas forcément convaincre le public que c’est le cas”, souligne à Fortune John Olivieri, un associé du cabinet d’avocats White & Case qui a travaillé sur des questions similaires pour d’autres politiciens.
Le montant des nuits d’hôtel reversé au Trésor. C’est la mesure la plus surprenante : Donald Trump s’engage à reverser dans les caisses du Trésor l’argent dépensé en nuits d’hôtel par les dirigeants d’autres pays dans des établissements qui lui appartiennent.
Le président élu veut ainsi apporter la preuve qu’il ne percevra – via ses hôtels – aucun émolument prohibé par la Constitution. La loi interdit, en effet, à tout membre de l’administration de recevoir des cadeaux en espèces ou en nature de la part de représentant étranger.
Mais les nuits d’hôtel ne sont qu’une partie du problème. Les dirigeants étrangers ne font pas que dormir dans ces établissements. Est-ce que l’addition réglée aux restaurants de ces hôtels fera également partie de l’argent reversé au Trésor ? Sheri Dillon n’a pas évoqué la question. “Il faudrait que cette mesure soit mieux définie”, juge le Washington Post.
L’interdiction légale ne concerne pas que les dirigeants étrangers. Elle interdit également le versement d’argent par des entités publiques étrangères. Donald Trump n’a ainsi rien dit au sujet, par exemple, du loyer payé par la Industrial & Commercial Bank of China pour occuper des locaux dans la Trump Tower. “Même après la conférence de presse, Donald Trump reste l’exemple vivant de la violation des règles sur les émoluments”, résume Laurence Tribe, professeur de droit constitutionnel à l’Université d’Harvard.