Tout en faisant preuve de bonne volonté, les constructeurs automobiles ne bouleversent pas leurs plans d'investissements face aux menaces de Donald Trump. Directement concerné par l'intimidation du président élu, le Mexique pourrait saisir l'OMC.
Depuis le 9 janvier, l'industrie automobile tient sa grand-messe annuelle à Détroit, dans le Michigan. Dans ce haut lieu de la construction automobile, l'interventionnisme de Donald Trump, qui est parti en croisade contre les délocalisations au Mexique, est au centre des discussions. Mettant en application son slogan "America First !", le président élu menace, depuis quelques semaines, les constructeurs de mettre en place des droits de douane plus contraignants. La réponse des principaux intéressés ? Multiplier les déclarations vantant leurs investissements américains.
Attaqué par Donald Trump sur Twitter le 5 janvier, Toyota a tendu la main au futur président des États-Unis à Détroit, en insistant sur un plan d'investissement de 10 milliards de dollars sur le territoire américain. Toutefois, hors de question de renoncer à ses intérêts mexicains pour le moment.
Toyota Motor said will build a new plant in Baja, Mexico, to build Corolla cars for U.S. NO WAY! Build plant in U.S. or pay big border tax.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 5 janvier 2017L'industrie automobile allemande a elle aussi tenu à montrer patte blanche en rappelant via Mathias Wissman, le président de la fédération VDA, qui regroupe notamment Daimler, BMW et Volkswagen, qu'elle avait "quadruplé (sa) production aux États-Unis entre 2009 et 2016".
Mais au-delà de cette déclaration diplomatique, Matthias Wissman a glissé un tacle à Donald Trump en soulignant qu'"il serait habile de ne pas remettre en question l'absence de taxes à l'importation au sein de l'Alena". Quitter l'association de libre-échange américaine visant à baisser voire supprimer les tarifs douaniers entre le Mexique et les États-Unis est pourtant le cœur de la stratégie de Donald Trump pour faire revenir les usines automobiles sur la bonne rive du Rio Grande.
Rapatrier les usines aux États-Unis
Le Mexique est aujourd'hui le quatrième pays exportateur de véhicules légers dans le monde et le septième fabricant mondial de voitures. Ce pays ne compte pas de constructeur automobile national mais 80 % des véhicules assemblés sont destinés à l'exportation, principalement vers les États-Unis (72,2 % des exportations) grâce au traité de libre-échange nord-américain (Alena).
Mis en cause régulièrement durant la campagne de Donald Trump, Ford a renoncé début janvier à un investissement de 1,6 milliard au Mexique. Une preuve d'efficacité du président élu ? Pas vraiment. Derrière cette obséquiosité se cachent des raisons purement pragmatiques, comme nous le soulignions dans un précédent article.
Autre constructeur très présent au Mexique, Fiat-Chrysler a lui caressé le tumultueux milliardaire dans le sens du poil et annoncé rapatrier aux États-Unis la production d'un pick-up, ce qui se traduirait par la création de 2 000 emplois.
Pas de changements majeurs pour General Motors et Renault-Nissan
Le "protectionnisme par le tweet" semble toutefois atteindre ses limites. Attaqué dans un message de 140 caractères le 3 janvier, le géant américain Général Motors a totalement exclu de céder à Donald Trump, comme le souligne le média d'opposition mexicain Aristegui Noticias. Sa directrice générale Mary Barra a estimé qu'il était extrêmement difficile d'annuler les investissements prévus au Mexique : "Ce sont des négociations sur le long terme avec des investissements en capitaux très intensifs. Ces décisions ont été prises il y a deux, trois ou quatre ans", explique la dirigeante de General Motors. Rejetant tout changement de stratégie, elle estime "qu'il est trop tôt pour spéculer" sur l'impact de la politique économique de Donald Trump.
General Motors is sending Mexican made model of Chevy Cruze to U.S. car dealers-tax free across border. Make in U.S.A.or pay big border tax!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 3 janvier 2017Du côté de Renault-Nissan, on ne panique pas non plus devant l'agressivité du président élu. Sans rien changer à sa stratégie, son PDG Carlos Goshn a estimé que les ambitions du milliardaire pouvaient très bien être "compatibles" avec les intérêts du constructeur qui, avec General Motors, Fiat Chrysler, Ford et Volkswagen, fait partie des principaux exportateurs depuis le Mexique.
Le Mexique pourrait saisir l'OMC
Le Mexique n'a cependant pas l'intention de rester sans rien faire face aux intimidations de Donald Trump. Devant la menace de tarifs douaniers rehaussés entre les deux pays, le gouvernement serait en droit de saisir de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) si les barrières douanières dépassent un certain seuil, comme l'a souligné l'Association mexicaine de l'industrie automobile (Amia) le 9 janvier.
Pour taxer l'importation d'automobiles en provenance du Mexique, les États-Unis devraient d'abord quitter l'Alena, a rappelé Eduardo Solis, président de l'Amia. Si le président américain élu choisissait cette option, les États-Unis resteraient toutefois assujettis aux règles de l'OMC, organisation dont ils sont membres et "qui leur interdit d'imposer des taxes supérieures à 2,5 %" pour les véhicules légers et "de 25 % pour les pick-ups", selon Eduardo Solis.
Avec AFP