
De nombreux migrants ont reformé, depuis quelques jours, des mini-campements autour du centre humanitaire de Paris. La police, qui tente de les déloger, est accusée de violences et d'avoir confisqué des couvertures.
Ils sont installés entre le boulevard Ney et le boulevard des Maréchaux, dans le nord de Paris, coincés entre les pots d’échappement des deux voies de circulation qui encerclent leur mini-campement. David, 18 ans, et Bereket, 16 ans, deux jeunes Érythréens, ont installé leurs tentes là, à quelques mètres seulement du centre humanitaire de Paris. En tout, ils sont une petite quinzaine. Tous affirment être arrivés il y a deux semaines, après être passés par l'Italie.
Pour survivre, ils s’appuient sur les ONG. "Les associations nous aident. Elles viennent souvent nous voir pour nous demander si on a besoin de quelque chose. De ce côté-là, tout va bien", explique Bereket, dans un anglais parfait, emmitouflé dans sa doudoune. Le jour "ça va", continue-t-il, ce qui est compliqué, c’est l’arrivée de la nuit. Il fait froid, très froid. Sans les couvertures offertes par les associations, le jeune garçon ne sait pas comment il tiendrait.
#Paris : 8 #migrants proches de l'hypothermie pris en charge par #MSF. La #police doit cesser de les harceler @croisepattes @Anne_Hidalgo
— MSF France (@MSF_france) 7 janvier 2017Bereket n’a pas entendu parler du communiqué de Médecins sans Frontières (MSF), qui stipule que la police confisquerait les couvertures des migrants pour empêcher la reformation de campements dans Paris. En une semaine, les équipes de MSF "ont déjà dû prendre en charge huit personnes proches de l’hypothermie".
Lundi 9 janvier, le ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux, s’était offusqué de la mise en cause des forces de l’ordre. "Je ne partage absolument pas la vision [de MSF]", avait-il déclaré. Depuis le mois de novembre, il n'existe officiellement plus aucun camp de migrants dans la capitale française.
"Ils nous réveillent à l’aube presque tous les matins"
Bereket et David côtoient tous les jours les forces de l’ordre, mais ils ne se plaignent pas de violences. "Ils nous réveillent à l’aube presque tous les matins et nous demandent de rejoindre la file d’attente pour le centre [de La Chapelle]. Ils nous demandent de partir". Selon les deux jeunes garçons, jamais la police n’a confisqué leurs couvertures ni saisi leurs tentes. "Comment on ferait sinon ?", demande naïvement Bereket. Le petit groupe ne sait pas, en revanche, si les autres mini-campements, à plusieurs dizaines de mètres d’eux, de l’autre côté du boulevard, ont eu la même chance qu’eux.
Apparemment pas, selon Utopia 56, une association d’aide aux migrants. Présente quotidiennement devant le centre humanitaire du 18e arrondissement, l’association confirme les allégations de MSF. "Nous avons constaté des dispersions des migrants présents sous les ponts aux abords du centre", explique Yvan, coordinateur de l’association à Paris. "Pendant les vacances de Noël, il n’y a rien eu, mais depuis deux semaines, je dirais que des policiers sont venus deux ou trois fois. Ils ont récupéré des sacs de couchages et des tentes".
Chaque soir, pour protéger les migrants du froid, les bénévoles d’Utopia 56 distribuent devant le centre humanitaire une centaine de couvertures qu’ils récupèrent le lendemain dans la file d’attente. Les duvets sont alors "décontaminés" avant d’être redistribués. De nombreux migrants patientent jour et nuit devant l’entrée du centre de La Chapelle, qui affiche complet, dans l’espoir d’une place d’hébergement. Mais le centre parisien ne laisse passer qu’au compte-goutte de nouveaux arrivants, ses 400 places en chambres chauffées étant toutes occupées. En plein hiver et avec des températures qui passent sous la barre de 0 degré la nuit, dormir dehors peut avoir des conséquences dramatiques.
La France des droits de l'homme s'effondre aujourd'hui aussi brutalement que la température extérieure #honte #inhumanité https://t.co/HATiwhQLVA
— Eva Joly (@EvaJoly) 7 janvier 2017L’omniprésent rêve anglais
Pour remédier au problème, Emmaüs, le gestionnaire du centre d'accueil, a mis en place, la semaine dernière, un nouveau mode de fonctionnement : l'association fixe désormais des rendez-vous nominatifs aux personnes qui patientent à l'extérieur. Elle espère ainsi inciter les migrants à ne pas rester dormir devant le centre, la nuit.
Bereket et David ne se sentent pas concernés par ce dispositif. Ils ne veulent pas intégrer le centre mais rejoindre le Royaume-Uni. Pour cela, ils cherchent à rallier Calais, même si la "jungle" n’existe plus. Paris n’est qu’une étape, une transition. "Nous restons ici en attendant de savoir comment aller dans le Nord, sans se faire attraper par la police", explique David. "Ici [dans le centre humanitaire] ils prennent nos empreintes digitales. Je ne veux pas y aller, même pour y être au chaud".
Le centre parisien "de premier accueil" pour migrants a ouvert le 10 novembre. Plus de 2 200 hommes seuls y ont été transité depuis, pour une durée de cinq à dix jours. L'État et la Ville de Paris ont promis 200 places supplémentaires. Le centre a été créé pour mettre fin au cycle qui a vu s'enchaîner l'installation et le démantèlement d'une trentaine de campements dans le nord de la capitale depuis l'an dernier.