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Barack Obama a dénoncé des cyber-attaques russes durant la campagne présidentielle américaine, et a menacé de riposter. Mais sa marge de manœuvre est limitée, estime Kenneth Geers, ambassadeur du Centre de cyber-sécurité de l’Otan.

Lors d'une conférence de presse de fin d'année, Barack Obama a affirmé, vendredi 16 décembre, avoir demandé directement à son homologue russe, Vladimir Poutine, dès septembre, de "cesser" les cyber-attaques contre les États-Unis, le menaçant de "conséquences sérieuses s'il ne le faisait pas".

Le président américain en fin de mandat a par ailleurs insisté pour que Donald Trump accepte une enquête indépendante sur les cyber-attaques imputées à la Russie contre le camp démocrate, en vue de favoriser l’élection du candidat républicain à la présidence des États-Unis. La veille, Obama avait annoncé que Washington prendrait des mesures contre Moscou.

Mais quelle est la marge de manœuvre du président sortant ? Le point avec Kenneth Geers, chercheur en cyber-sécurité et ambassadeur du Centre de cyber-sécurité de l’Otan.

France 24 : Les accusations de Barack Obama sont-elles justifiées ?

Kenneth Geers : Le gouvernement américain est convaincu qu’il y a eu une intervention étrangère au cours de cette campagne électorale américaine, et il s’appuie sur l’avis de la CIA. Ces accusations sont fondées, car porter Donald Trump au pouvoir sert les intérêts de Vladimir Poutine. D’abord, le futur président américain a multiplié les prises de positions pro-russes tout au long de sa campagne, et ensuite Poutine déteste Hillary Clinton. L’intérêt de Moscou dans cette affaire est également de porter atteinte au modèle américain, d’affaiblir l’image de cette démocratie aux yeux des citoyens russes. Le but est de la faire paraître chaotique, peu attractive. Or, favoriser l’élection de Trump, qui a été un candidat clivant, avec des positions outrancières, c’est affaiblir l’Amérique.

Obama a prévenu que les États-Unis prendraient des sanctions. De quelle nature peuvent-elles être ?

Le gouvernement américain se trouve dans une position difficile. Ne pas répondre, c’est perdre la face, montrer ses faiblesses, et envoyer également un mauvais signal à ses alliés de l’Otan, donc Obama se devait de prendre position fermement. Mais je pense qu’il a en réalité peu d’options.

L’une d’elles serait de mener des cyber-attaques, et là, la CIA peut agir et faire du "doxing". Cela consiste à infiltrer les mails d’une personne ou d’une administration pour en tirer des informations. Mais au lieu de garder l’information secrète et à usage exclusif des services de renseignement, on fait fuiter des contenus embarrassants pour affaiblir l’ennemi auprès de l’opinion publique. C’est ce qui est arrivé fin octobre à Vladislav Sourkov, un très proche conseiller de Poutine. Ses mails ont été hackés et publiés, révélant l’appui massif de Moscou aux séparatistes ukrainiens. Supposons que cela ait été une riposte des États-Unis à l’action de Moscou pendant la campagne américaine. Est-ce que cela a eu l’effet escompté, est-ce que cela a vraiment touché l’opinion publique et gêné Moscou ? Rien n’est moins sûr.

Je pense que la meilleure chose à faire n’est pas de mener une autre cyber-attaque, qui affaiblirait Internet et par extension la cyber-sécurité à travers le monde, mais de reconstituer l’histoire de l’implication de la Russie dans l'élection présidentielle américaine de la manière la plus claire et transparente possible, puis de publier cette enquête, afin que tout le monde puisse en prendre connaissance. Cela pourrait contribuer à anticiper les dommages que des opérations russes de ce type pourraient produire dans le futur en Europe.

Quand Trump sera au pouvoir, les sanctions voulues par Obama pourront-elles toujours être appliquées ?

C’est une période difficile pour Obama. Aux États-Unis, on appelle le président sortant le "lame-duck president"– le président canard boiteux : un autre va bientôt prendre sa place, sa marge de manœuvre est limitée, il lui reste très peu de temps (Donald Trump sera investi le 20 janvier prochain, NDLR).

Pour être appliquées, ces sanctions devront avoir l’aval de Trump lorsqu’il arrivera au pouvoir, or personne n’est très sûr de ce qu’il décidera. Qui peut savoir ce qu’il fera ? Trump a montré tout le désintérêt qu’il avait pour la politique étrangère, sujet sur lequel il est par ailleurs dramatiquement ignorant.