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Le président de la conférence des évêques de France, Monseigneur Georges Pontier, a vivement critiqué la proposition de loi du gouvernement visant à interdire les sites qui usent de subterfuges afin de tenter de dissuader les femmes d’avorter.
Ils s’appellent avortement.net, avortementivg.net, ivg.net ou encore SOS Bébé. Ces sites ont l’apparence de plateformes d’informations banales. Certains sont même assortis de numéros vert promettant "toutes les infos sur l’IVG", l’interruption volontaire de grossesse.
Pourtant, nombreux sont ceux qui cachent des organisations anti-avortement, dont le but est de dissuader les femmes d'interrompre leur grossesse. Ce sont ces plateformes que le gouvernement français cible à travers une proposition de loi visant à élargir le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse aux sites internet diffusant des informations "biaisées" sur l’avortement. Une proposition qui doit être débattue, jeudi 1er décembre, à l’Assemblée nationale.
Si le texte est voté, ces faits seront punis des mêmes peines que l’entrave physique à l’avortement ou à l’information sur l’avortement, soit deux ans de prison et 30 000 euros d’amende. Soutenue par la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol, cette proposition de loi provoque l’ire des milieux catholiques et d’une partie de la droite parlementaire.
Dans un courrier envoyé à François Hollande le 22 novembre, rendu public par l’épiscopat une semaine plus tard, le président de la Conférence des évêques de France, Monseigneur Georges Pontier, en appelle directement au président de la République pour qu’il renonce à ce projet de loi. Il fustige un texte mettant en cause "les fondements de nos libertés et tout particulièrement la liberté d’expression". Le chef de file de l’épiscopat français est formel : ces sites sont les seuls à prendre en charge "la véritable détresse existentielle" des femmes confrontées à l’avortement.
Quelques jours auparavant, sur Radio Notre-Dame, le cardinal Vingt-Trois avait critiqué un projet "très grave" dont l’objectif était "de faire la promotion de l’avortement comme l’issue normale d’une grossesse". "Si la loi se met à faire la police sur les sites, il va falloir embaucher plus de 10 000 fonctionnaires, parce que s'il y a un terrain où règne l'anarchie la plus complète, c'est bien celui-là", a ironisé l'archevêque.
Ces sites "trompent délibérément les internautes"
Mais au regard du ministère des Femmes, ces sites trompent "délibérément les internautes en se faisant passer pour des sites officiels ou neutres, et cherchent à dissuader les femmes de recourir à l’IVG". Et pour cause : ces plateformes – qui se glissent insidieusement entre les sites officiels du ministère de la Santé ou du planning familial – ne publient que des témoignages d’expériences traumatisantes. "J’ai subi une IVG par aspiration. Et je regrette. Je l’ai fait à cause de la pression de mes proches, surtout mes parents, qui ne m’ont même pas demandé ce que je voulais", témoigne ainsi une certaine Lola, 19 ans. "Je hurle, je me suis vidée de mon sang […] Depuis ce jour, ma vie est un enfer", raconte Émilie, 16 ans. "Sachez que l’IVG peut être très dure à supporter", explique Élisa, 25 ans. Tous les témoignages publiés sur ces sites sont du même ordre.
SOS Bébé se présente également sous la forme d’un site d’information anodin : "Prête à devenir mère ? Comment savoir ?", "Les PMI [Protection maternelle et infantile, NDLR] au service des femmes enceintes", propose la plateforme. Pas une fois, il n’est indiqué un engagement militant contre l’avortement. Pourtant, SOS Bébé est affilié à Alliance Vita, mouvement pro-vie créé par Christine Boutin, fondatrice du Parti chrétien-démocrate . Le site "ne se sent pas visé" par la proposition de loi du gouvernement. Mais Caroline Roux, secrétaire générale d’Alliance Vita, se dit "inquiète d’une chasse à ceux qui ne se résignent pas à l’information officielle". "Nous comblons un vide en offrant un accompagnement aux femmes qui se posent des questions sur l’avortement", ajoute-t-elle.
Au Planning familial, en revanche, cette proposition de loi apparaît fondamentale : "Il est symboliquement important d’avoir une loi qui interdise la désinformation", précise Isabelle Louis, présidente du Planning familial d'Île-de-France. "L’important serait d’agir afin que les femmes n’aillent pas sur les sites les désinformant en référençant mieux ceux qui donnent une bonne information comme ivg.gouv.fr, planning-familial.org, par exemple", insiste-t-elle.
Cette polémique revêt une tonalité particulière, quelques jours après la fin de la campagne pour la primaire de la droite et du centre. Dans l’entre-deux tours, Alain Juppé avait reproché au futur vainqueur, François Fillon, de ne pas "avoir de position claire" sur l’avortement. Lors d’un meeting en juin dernier, François Fillon avait en effet affirmé : "Compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux pas approuver l’avortement". Il a depuis précisé qu'il était capable de faire la distinction entre ses convictions personnelles et l'intérêt général.