Les deux finalistes de la primaire de la droite et du centre, Alain Juppé et François Fillon, se sont retrouvés jeudi soir pour un débat d'entre-deux-tours finalement beaucoup moins tendu qu'attendu.
C'était le débat de la dernière chance pour Alain Juppé qui se devait, pour renverser la tendance, d'être offensif face à François Fillon. Pas certain que sa performance ait convaincu une majorité d'électeurs de voter pour lui dimanche prochain. Alors que l'on attendait du débat de l'entre-deux-tours de la primaire de la droite et du centre, jeudi 24 novembre, un duel acéré, celui-ci n'a en effet pas tenu toutes ses promesses. Loin de là. En gentlemen, François Fillon et Alain Juppé n'ont fait qu'échanger à fleurets mouchetés leurs points de vue, programme contre programme.
La faute à un format qui ne permettait finalement pas l'opposition frontale entre les deux candidats. Ce "grand débat" ressemblait en effet davantage à une double interview, Alain Juppé et François Fillon déroulant leurs propositions en répondant chacun leur tour aux questions des journalistes. Le début d'émission donna même lieu à un concours d'amabilité comme si les deux finalistes tenaient à mettre derrière eux les invectives du début de semaine.
C'est sans doute ce qui a empêché le maire de Bordeaux d'être plus offensif dans ses critiques pour dépeindre François Fillon comme un "ultralibéral" et un "ultraréactionnaire" : impossible pour lui d'être trop agressif sous peine d'apparaître comme un candidat diviseur plutôt que rassembleur.
Les sujets qui ont donné lieu à une passe d'arme se comptent donc sur les doigts d'une seule main :
• La durée du temps de travail
Les deux hommes se sont opposés sur la question du temps de travail, notamment dans la fonction publique. "J'ai cru comprendre que, dans la fonction publique, il voulait passer aux 39 heures dès 2017 et avec un salaire correspondant à 37 heures. Est-ce que c'est bien la réalité ?", a assené Alain Juppé. "Non", a répondu François Fillon. "On ne peut pas imaginer qu'il va y avoir des accords dans les entreprises pour augmenter le temps de travail si par ailleurs les fonctionnaires qui ont la sécurité de l'emploi, restent à 35 heures, voire à 32 (...), ce n'est pas ma vision de la justice sociale, de l'égalité", a-t-il expliqué.
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Interrogé sur la mention de la durée légale du travail fixée à 48 heures par l'Europe dans son programme, François Fillon s'est par ailleurs défendu, estimant qu'aucun accord d'entreprise ne serait conclu à 48 heures hebdomadaires. "Et poser la question comme ça, c'est comme sur beaucoup d'autres sujets, c'est caricaturer quelque chose qui au contraire est extraordinairement moderne (...)", a-t-il lancé aux journalistes.
• La santé au cœur du débat
Alain Juppé a attaqué François Fillon au sujet de ses propositions sur l'assurance maladie et souligné une "divergence assez profonde" avec son adversaire qui prévoit des baisses de prise en charge. Pour remettre l'assurance maladie en situation d'équilibre financier, Alain Juppé, qui demande une vérification plus stricte des conditions d'ouverture des droits, a rappelé préférer agir "sur la gestion des caisses d'assurance maladie" et sur la lutte contre la fraude "qui est réelle".
"Je veux ‘désétatiser’ le système de santé français", a répondu François Fillon, qui veut limiter à 2 % par an la progression des dépenses de santé. Il souhaite concentrer les remboursements sur "les affections graves et de longue durée", et que ce soit les assurances privées qui prennent en charge les autres dépenses. Dans son programme, il propose que ceux qui n'ont pas accès à l'assurance privée bénéficient d'"un régime spécial de couverture accrue".
• Tensions autour de la polémique sur l'IVG
Dans ce débat, la polémique lancée dans les médias par Alain Juppé sur la position de François Fillon relativement à l'avortement a donné lieu au seul moment
de tension palpable."Évidemment je ne toucherai à rien dans ce domaine, c'est
la loi Veil, toute la loi Veil", s'est défendu François Fillon. "Je trouve que le procès qui m'a été fait depuis quelques jours n'est pas correct", a-t-il poursuivi à l'adresse d'Alain
Juppé qui avait jugé "ambiguë" ses propos sur l'IVG. "Je n'ai fait aucun procès (...), j'ai juste posé une question", a répliqué le maire de Bordeaux. "Il y a des questions qui ressemblent à des procès", a dit François Fillon.
Alain Juppé en a alors profité pour dénoncer la "campagne ignominieuse" dont
il a été la cible sur les réseaux sociaux, où il a été accusé de collusion avec le salafisme et d'antisémitisme, et a dénoncé l'absence de réaction des fillonistes.
"Il ne faut pas exagérer non plus : quand je me fais traiter d'homophobe tous les matins, je ne t'ai pas entendu non plus prendre la parole pour assurer ma défense. Chacun est grand et s'occupe de ses affaires", a lancé le député de Paris.
• Intégration versus assimilation
Les candidat ont chacun exposé leur point de vue sur l'immigration. "L'identité de la France, c'est la diversité", a assené Alain Juppé. "Je veux que les étrangers qui viennent s'installer dans notre pays s'assimilent et respectent notre héritage culturel", lui a rétorqué le Sarthois.
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• Les liens avec la Russie
"Ce que je demande c’est que l’on s’asseye autour d’une table avec les Russes sans que l’on demande l’accord des États-Unis et que l’on retisse un lien, si ce n’est une confiance, qui permette d’amarrer la Russie à l’Europe", a dit François Fillon, même si "l'intérêt de la France n'est évidemment pas de changer d'alliance en se tournant vers la Russie plutôt que les États-Unis".
Il faut que la France "soit elle-même", c'est-à-dire "inféodée ni à Washington ni à Moscou", a de son côté plaidé Alain Juppé.
À la fin de ce dernier débat de la primaire de la droite et du centre, François Fillon a été jugé jeudi plus convaincant que son rival Alain Juppé par 57 % des Français, selon un sondage Elabe diffusé par BFM TV.