Le parquet de Nice a requis 6 mois de prison avec sursis contre un enseignant-chercheur, jugé pour aide au séjour d'étrangers en situation irrégulière. L'homme avait aidé des Érythréennes venant d’Italie, un geste humanitaire selon sa défense.
Six mois de prison avec sursis. C’est la peine qu'a requis le parquet de Nice contre Pierre-Alain Mannoni, poursuivi à Nice pour avoir pris en charge des Érythréennes venues d’Italie. L’homme, enseignant-chercheur du CNRS de 45 ans, avait été interpellé le 18 octobre dernier à un péage près de Menton, avec trois Érythréennes à bord de son véhicule. Il convoyait les jeunes femmes pour les mettre dans un train en direction de Marseille où elles devaient y être soignées.
Le jugement a été mis en délibéré au 6 janvier et son contrôle judiciaire levé jusqu’à cette date. "C’est un sévère avertissement" a justifié le procureur général de Nice, Jean-Michel Prêtre. "On peut porter secours, c’est un devoir, mais pas aider au séjour et à la circulation" d’étrangers en situation irrégulière, a-t-il ajouté, rappelant qu'il s'agissait d'une infraction pénale. "Ces actions ne s’inscrivent pas dans un secours. Elles consistent à nier qu’une frontière existe et qu’un pays puisse faire voter des lois. […] En France, on a le droit de penser ce qu’on veut et de traduire ces pensées en actions, mais dans les limites de la loi", a-t-il insisté.
Pour l’avocate du Pierre-Alain Mannoni, les actes de son client ne méritent au contraire pas de sanctions. "Dans son esprit, M. Mannoni a porté secours. Ce geste humanitaire ne mérite aucune sanction. Ce serait disproportionnée et pas nécessaire", a ainsi plaidé Me Maeva Binimelis. "Aujourd’hui, on veut faire un exemple […] Je sollicite la relaxe pour donner une réponse à tous ces gens solidaires", a-t-elle lancé. Car comme lui, depuis 2015, de nombreux habitants de la vallée franco-italienne de la Roya viennent en aide aux migrants qui arrivent de l’Italie voisine. À ses côtés, comparaissait d’ailleurs l’agriculteur Cédric Herrou, pour avoir installé sans autorisation une cinquantaine d’Érythréens dans un centre de colonie de vacances SNCF désaffecté.
De nombreux soutiens
Cent à 200 personnes étaient venues soutenir Pierre-Alain Mannoni et son co-prévenu Cédric Herrou. Elles sont restées massées sur les marches du palais de justice de Nice qui s’était pour l’occasion entouré de mesures policières inhabituelles, filtrant les accès y compris en salle d’audience.
"Qu’il se retrouve au tribunal dans notre pays, je trouve cela aberrant", a déclaré avant l’audience la députée EELV Cécile Duflot. "Aujourd’hui, on a des citoyens contraints d’enfreindre la loi, parce que l’État ne remplit pas ses obligations", a de son côté regretté un ancien cadre socialiste niçois, David Nakache.
"Si ces personnes de sont pas secourues, il y aura encore des morts", a déclaré en conclusion des débats Pierre-Alain Mannoni, soutenu par le syndicat de l’enseignement supérieur Snesp-FSU, la Ligue des droits de l’Homme ou encore Médecins du monde qui a témoigné en sa faveur à la barre.
Il pourrait toutefois bénéficier de l’immunité prévue par la loi depuis 2012 pour les passeurs qui ne sont pas rétribués et qui agissent si la vie des personnes recueillies est jugée en péril.
Avec AFP