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RD Congo : Joseph Kabila laisse planer le doute sur son avenir

Dans un discours très attendu mardi, le président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila a affirmé tenir au respect de la Constitution tout en évitant de dire s’il allait ou non briguer un troisième mandat.

C’est une parole rare qui était très attendue. Le président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, s’est exprimé mardi 15 novembre devant le Parlement réuni à Kinshasa dans un contexte ultra-sensible. À la fin de l’année, la Constitution prévoit en effet que l’homme fort de RD Congo, au pouvoir depuis 2006, laisse sa place au terme de son second mandat. Mais un accord politique conclu le 18 octobre avec une frange minoritaire de l’opposition l’autorise à rester en fonction jusqu’à l’organisation d’une nouvelle présidentielle en avril 2018.

L’opposition non-signataire de l’accord, réunie au sein de la plate-forme "Le Rassemblement", craint que cette longue période de transition ne serve qu’un but : la modification de la Constitution pour permettre à Joseph Kabila de briguer un troisième mandat.

Dans un discours de 45 minutes, Joseph Kabila a longuement défendu son bilan, vantant les progrès économiques et sécuritaires enregistrés sous son mandat. Le chef d’État est surtout revenu sur les termes de l’accord politique qui selon lui "constitue aujourd'hui la seule feuille de route mise au point par les Congolais eux-mêmes", tout en entretenant le flou sur son avenir. "À tous ceux qui semblent se préoccuper à longueur de journée de mon avenir politique, je tiens à dire, tout en les remerciant, que la RDC est une démocratie constitutionnelle : toutes les questions pertinentes relatives au sort des institutions et de leurs animateurs sont réglées de manière satisfaisante par la Constitution", a ainsi assuré Joseph Kabila, sans dire expressément qu'il ne briguerait pas un troisième mandat.

"Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent"

"Il est en train de donner un gage de paix sociale mais à mon avis, il s’agit uniquement de calmer les esprits. En RDC, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent", explique Laurent Larcher, journaliste au quotidien La Croix et très bon connaisseur du pays. Peut-on imaginer une modification de la Constitution comme le craint l’opposition ? "Il prépare sa succession à lui-même, son maintien au pouvoir", estime le journaliste.

Le contexte régional pourrait bien faire tache d'huile : "(Joseph Kabila) est encouragé par ce qui se passe dans les pays voisins, au Burundi ou au Congo, où il constate que les pouvoirs en place jouent avec la démocratie et se sont assis sur la Constitution de leur pays." Dans un communiqué, le Rassemblement de l’opposition "s’indigne du ton agressif" du discours "qui n’apaise pas les esprits et ne favorise pas la recherche du consensus pour une sortie de pacifique de la crise". Le mouvement s’accroche à l’espoir d’une solution dans le cadre de la médiation en cours de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco).

Mais les signaux envoyés récemment par le pouvoir se sont pas bons. Première victime de ce durcissement de ton : la presse. Le signal de Radio France Internationale (RFI) a été coupé à Kinshasa dans la nuit du 4 au 5 novembre. Celui de la radio Okapi, soutenue par l’ONU, a été brouillé pendant quelques jours. "Inacceptable", selon le Quai d’Orsay. "Chaque fois que la liberté de l’information est mise en cause, c’est pour nous la France un sujet d’alerte", a rappelé le président Hollande lors de son interview à RFI et France 24 mardi 15 novembre. Puis sur la situation politique en RD Congo, le chef de l'État français a affirmé : "Il y a une Constitution, elle doit être respectée, il y a une fin de mandat, elle doit correspondre à une fin de mandat."

Fait rare, l’Union africaine, les Nations unies, l’Union européenne et l’Organisation internationale de la francophonie ont lancé un appel commun de retour au calme fin septembre. Le pays est en crise profonde depuis le scrutin contesté de 2011. La situation s’est aggravée avec l’annonce du report des élections. Les 19 et 20 septembre, des violences en marge d'une manifestation contre le pourvoir, ont coûté la vie à 49 civils et quatre policiers, selon l'ONU, qui estime que les forces de l'ordre ont fait un usage disproportionné de la force.