Le président par intérim Micheletti a décrété un couvre-feu pour les nuits de dimanche et lundi. Hier soir, lors de la manifestation dans la capitale des partisans de Zelaya, des soldats ont tiré des coups de feu, sans faire de blessés.
Au lendemain du coup d’État au Honduras, pays de 7 millions d’habitants niché entre le Guatemala, le Nicaragua et le Salvador, un appel à la grève illimité a été lancé pour lundi par la Fédération des syndicats d'enseignants de l’Honduras (FOMH) en signe de protestation contre la destitution du président. "Nous demandons sa réinstallation immédiate, sinon nous descendrons dans les rues jusqu'à ce que nous l'obtenions", a averti l'organisation.
Dans la journée de dimanche, le président Manuel Zelaya a été destitué et un nouveau chef de l’État, Roberto Micheletti, a été nommé. Ce dernier a décrété un couvre-feu de 48 heures.
Roberto Micheletti, président du Parlement, a été désigné par la Chambre en fin de soirée. "Il a transformé ce coup d’État en un acte tout à fait légal via un tour de passe-passe assez osé, constate Laurence Cuvillier, correspondante FRANCE 24 basée à Mexico. Il a déclaré être arrivé à la présidence par un processus légal et conforme aux lois. Il fait ici référence au respect de la Constitution, selon laquelle l’armée qui a capturé et expulsé Zelaya obéit aux ordres de la Cour suprême."
Vague de condamnations à travers le monde
Dimanche matin, l’armée a tiré Manuel Zelaya de son lit. Encore en pyjama, il a été arrêté et expulsé au Costa Rica. Cette décision de la Cour suprême fait suite à la volonté de Zelaya d’organiser - malgré l'opposition de dirigeants de sa propre formation politique, le Parti libéral, et la condamnation de la Cour suprême - un référendum pour introduire dans la Constitution la possibilité de prolonger le mandat présidentiel de quatre ans. La prochaine élection présidentielle était prévue le 29 novembre.
Une fois Manuel Zelaya déchu, le Parlement a affirmé avoir voté à l’unanimité en faveur de Roberto Micheletti pour remplacer Zelaya jusqu'au 27 janvier 2010, date de la fin du mandat de celui-ci. "Mais une zone d’ombre persiste, souligne Laurence Cuviller, puisque le Congrès a aussi annoncé avoir reçu une lettre de démission de Zelaya, information démentie par la suite par l’intéressé."
Dimanche en fin de journée, des coups de feu ont été entendus près de la présidence dans la capitale, Tegucigalpa, alors qu’un millier de manifestants venus réclamer le retour du président déchu défilaient dans les rues. "Des manifestants pro-Zelaya auraient cherché à s’accrocher à une voiture militaire. Les militaires ont riposté en tirant en l’air", commente Laurence Cuvillier. Aucune victime n’est à déplorer.
La destitution de Zelaya a suscité une vague de condamnations à travers le monde, des États-Unis à l'Union européenne et à commencer par celle du secrétaire de l'ONU, Ban Ki-Moon. L'ONU doit se réunir lundi en assemblée générale pour traiter de la situation au Honduras.
Solidarité entre chefs d'Etat d'Amérique latine
Par ailleurs, une réunion de l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (Alba), bloc antilibéral fondé par le Venezuela et Cuba, se tient actuellement à Managua, capitale du Nicaragua, en présence du président Daniel Ortega et de son homologue équatorien Rafael Correa, ainsi que de Manuel Zelaya. "La solidarité semble fonctionner entre chefs d’État", note François-Xavier Freland, correspondant FRANCE 24 à Caracas.
L'Alba va tenter de rétablir Manuel Zelaya à la présidence du Honduras, tout comme a prévu de le faire, lundi, un sommet du Système d'intégration centraméricain (SICA), qui a exigé "le rétablissement immédiat dans ses fonctions" du président expulsé de son pays.
Le président vénézuélien Hugo Chavez, qui n’affiche pas les mêmes couleurs politiques que Zelaya, a placé ses troupes en état d'alerte à la suite du coup d'Etat. Il a fait savoir qu'il riposterait militairement au cas où son ambassadeur dans ce pays serait attaqué ou enlevé. Il a également annoncé qu'il ferait tout pour "faire avorter" le putsch. "Ce coup d’Etat est, pour Chavez, l’occasion de revenir sur le devant de la scène et d’endosser son rôle de chef protecteur en Amérique latine", explique François-Xavier Freland.
De leur côté, les Etats-Unis ont appelé au respect du droit international. Le communiqué du président Barack Obama et de la secrétaire d'Etat Hillary Clinton demande aux deux parties de respecter les règles de la démocratie et du droit international. "Ceci est un message pour l’armée mais aussi pour Zelaya à respecter la Constitution de l’Honduras", commente Guillaume Meyer, correspondant FRANCE 24 à Washington. Pour les Etats-Unis, Zelaya est toujours le président officiel et les Américains aimeraient pouvoir faciliter son retour. Les Etats-Unis voudraient pouvoir travailler avec les membres de l’Alba, selon des membres de l’administration Obama.