
Une étape a été franchie en 2015 : pour la première fois, la capacité de production d’énergies renouvelables a dépassé celle du charbon, selon l’Agence internationale de l’énergie. Encourageant mais toutefois pas suffisant, précise l'AIE.
Il y a dorénavant un nouveau roi des sources de production d’électricité dans le monde. Les capacités de production des énergies renouvelables ont dépassé celle du charbon pour la première fois de l’histoire en 2015, d’après un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), publié mardi 25 octobre. Le charbon avait une capacité installée de 1 951 GW (gigawatt) contre 1 969 GW pour les énergies dites propres.
“Nous assistons à une transformation des marchés de l’énergie, tirés dorénavant par le renouvelable”, a souligné Fatih Birol, le directeur exécutif de l’AIE lors de la présentation de ces résultats. Ce bouleversement a été rendu possible par une année 2015 particulièrement riches en nouveaux projets, essentiellement dans l’éolien et le solaire. À elles seules, les sources renouvelables d’électricité installées l’an passé couvrent, en théorie, les besoins d’un pays de la taille du Canada.
500 000 nouveaux panneaux solaires par jour
La ruée vers le renouvelable a donné lieu à la construction de “500 000 nouveaux panneaux solaires par jour”, précisent les auteurs du rapport de l’AIE. L’effort vient principalement des pays émergents, Chine en tête. Pékin a ainsi installé deux éoliennes par heure en 2015. L’accélération de cette tendance a même surpris l’AIE qui a dû revoir à la hausse de 13 % ses prévisions de production d’énergies renouvelables pour les cinq années à venir.
“C’est un accomplissement remarquable, surtout dans le contexte de la baisse des prix des énergies fossiles, des subventions accordées à ces industries et des barrières règlementaires et fiscales qui subsistent dans de nombreux pays”, s’est félicité Hannah E. Murdock, une analyste pour le REN21, un réseau international de réflexion sur les énergies renouvelables, contactée par France 24.
À quelques jours de l’ouverture de la COP22, la conférence mondiale sur le climat qui se déroule au Maroc du 7 au 18 novembre, cette évolution montre qu’États, investisseurs et même industriels commencent à prendre sérieusement le virage de la transition énergétique, délaissant peu à peu les sources d’énergie les plus polluantes. Les auteurs du rapport notent ainsi qu’outre la baisse des coûts et du prix de vente de l’éolien ou du solaire, le volontarisme politique dans des pays comme “les États-Unis, la Chine, le Mexique ou encore l’Inde est l’une des clefs de cette évolution”.
Chauffage et voiture : les deux points noirs d’un monde plus vert
Mais ces nouvelles données ne signifient pas que la planète carbure dorénavant avant tout aux énergies renouvelables. Il y a une différence entre la capacité de production et l’électricité effectivement générée. Les énergies fossiles demeurent, à plus de 40 %, la première source d’électricité dans le monde. Le soleil ne brille pas en permanence et le vent ne souffle pas en continu. Même si les technologies de stockage de ces sources propres d’énergie s’améliorent, les usines à charbon demeurent plus efficaces pour fonctionner sans interruption.
En outre, l’effort fourni pour “verdir” la production d’énergie ne s’étend pas à deux secteurs clefs dans la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution : le chauffage et le transport. L’AIE regrette les lenteurs dans ces domaines et Hannah E. Murdock déplore spécifiquement “l’absence de progrès dans le secteur du chauffage et du refroidissement, alors qu’il représente près de la moitié de la consommation d’énergie mondiale”.
“Seulement 21 pays ont des règles pour l’utilisation d’énergies renouvelables dans le secteur du chauffage alors que 116 États en ont adopté pour la production d’électricité”, poursuit cette spécialiste qui appelle à une prise de conscience aussi bien du législateur que du consommateur.
Le succès du roi soleil et du dieu Éole ne doit pas non plus cacher les difficultés rencontrées par les autres sources d’énergies renouvelables qui “ont connu une baisse des investissements l’an dernier”, souligne Hannah E. Murdock. La géothermie (exploitation de la chaleur en sous-sol) a pâti de la baisse des prix des énergies fossiles, les sécheresses à répétition ont nui au développement de l’énergie hydraulique, notamment en Asie du sud-est et en Amérique, tandis que les projets pour tirer profit de l’énergie maritime n’en sont qu’à la phase de prototypage. Pourtant note le rapport de l’AIE, il serait important de développer ces alternatives pour aider à avaler une fois pour toute la pilule du charbon.