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Des sans-papiers dénoncent la brutalité des "gros bras de la CGT"

Le syndicat français CGT œuvre régulièrement pour la défense des sans-papiers. C’est pourtant bien des membres de son service d’ordre qui ont utilisé la manière forte mercredi à Paris pour déloger des travailleurs clandestins.

La Confédération générale du travail (CGT) est accusée d’avoir violemment expulsé 100 à 200 travailleurs d'origine africaine qui squattaient depuis plus d'un an des locaux du syndicat, situés dans le IIIe arrondissement de Paris.

Cette annexe de la Bourse du travail, située boulevard du Temple, servait d'abri aux sans-papiers depuis mai 2008. Ils avaient trouvé refuge dans ces locaux de la CGT après que la préfecture avait rejeté une demande collective de régularisation.

 L’occupation aura donc duré près de 14 mois, jusqu’à ce que le syndicat décide de mobiliser son service d’ordre pour déloger les occupants devenus indésirables.

Diarrassouba N’Demanka, un des sans-papiers qui occupait la Bourse du travail, dénonce un coup soigneusement préparé par les "gros bras" de la CGT. "On était nombreux à être allés manifester place du Châtelet, comme on a l’habitude de le faire chaque mercredi. Vers 12h45, j’ai reçu un texto sur mon téléphone portable : 'Koné, la Bourse est évacuée'. On a aussitôt foncé dans le métro pour revenir le plus vite possible à la Bourse du travail."

La police s'interpose


Arrivé sur place, ce père de famille ivoirien constate que les agents du service de sécurité en sont  venus aux mains avec des sans-papiers. "J’ai vu les gens de la CGT, masqués et armés de barres de fer,  expulser violemment mes amis, alors que nous, nous n’avions aucune arme."

Une version mise en doute par un agent d’accueil de la Bourse du travail, qui confie, sous couvert d’anonymat, que durant les 14 mois d’occupation il a pu vérifier que les sans-papiers possédaient aussi des armes, "des barres à mine et même quelques couteaux".

Alors que la bagarre fait rage depuis plus d’une demi-heure, la police finit par intervenir. "On pensait qu’elle venait nous défendre", indique Diarrassouba, qui regrette qu’elle ait simplement "séparé les deux camps avant de permettre à ceux de la CGT de se barricader à l’intérieur."

 
Les habitants du quartier encore sous le choc


Janine Sefourt, une habitante du quartier, a assisté à toute la scène. Encore choquée, elle se souvient : "Ce mercredi vers 12h40, je passais devant le café à l’angle du boulevard du Temple et de la rue Jean-Pierre Timbaud quand j’ai vu débouler une vingtaine de personnes masquées, avec des grosses lunettes de plongée, armés de matraques". Elle se réfugie alors dans le café pour tenter de retrouver ses esprits : "Je pensais que c’était des fachos venus casser du Noir, j’étais paniquée".

Une commerçante de la rue Amelot, une petite rue paisible, parallèle au boulevard du Temple, a elle aussi assisté au "manège des agents de la CGT". "Un type est resté deux heures dans une voiture en face de ma boutique. Vers 12h15, une trentaine de personnes l’ont rejoint, ont ouvert le coffre de la voiture, en ont sorti des matraques et des manches de pioche. Ils ont ensuite enfilé des masques, passé un brassard orangé et ont filé au pas de course en direction du boulevard du Temple."

Réalisant qu’ils préparent "un mauvais coup", la commerçante appelle la police et note le numéro de la plaque d’immatriculation du véhicule. "Je pensais vraiment que c’était des fachos, c’était un véritable commando, organisé et préparé", confie-t-elle.

Elle prend finalement conscience que ce sont des membres du service d’ordre de la CGT lorsqu‘un membre du syndicat, qui assiste de loin aux événements lui glisse : "Je suis de la CGT, c’est notre service d’ordre qui fait le sale boulot pour qu’on puisse enfin récupérer notre lieu de travail".

Depuis qu’ils ont été délogés, les sans-papiers ont reconstitué un campement sur le trottoir faisant face à la Bourse du travail. Environ 200 personnes y sont désormais installées sur des matelas et n’ont de cesse de dénoncer la brutalité des événements de la veille.

La CGT indique de son côté qu’elle a mis fin "sans violence" à une occupation "stérile", affirmant que "toutes les propositions pourtant très constructives et d'ordre pratique avaient été refusées" par les sans-papiers.

Le syndicat rappelle, en outre, que "ses orientations n'avaient pas changé, ni son exigence de voir régulariser tous les travailleurs sans-papiers."