Le ministre de l'Économie Michel Sapin a été critiqué pour avoir affirmé, contrairement à d’autres États européens, que la France ne "réclamerait aucune part des 13 milliards d’euros" qu'Apple doit payer à Dublin, d'après une décision de Bruxelles.
Confusion autour des 13 milliards d'euros que Bruxelles demande à Apple de verser à l'Irlande depuis le 30 août. Les ministres des Finances de pays européens, comme l'Espagne ou l'Autriche, se demandent s'ils ont droit à une part du pactole... Mais la France n'en veut pas.
Plusieurs pays ont affirmé lorgner sur cet argent lors d’une réunion des ministres des Finances à Bratislava, samedi 10 septembre. “Si ce que la Commission européenne dit est légal [la sanction est contestée par Apple et l'Irlande, NDLR], vous pouvez être sûr que je vais réclamer de l’argent [à Apple]”, avait assuré le ministre autrichien des Finances, Hans Joerg Schelling.
La France a fait entendre une voix discordante lors de cette réunion. Le ministre de l'Économie Michel Sapin a, en effet, assuré que la France ne “réclamerait aucune part des 13 milliards d’euros”.
Pas touche aux 13 milliards d'euros
Une sortie qui a valu au patron de Bercy une vive critique de la part de la candidate à la primaire socialiste et représentante de l’aile gauche du PS, Marie-Noëlle Lienemann. Elle a jugé, lundi 12 septembre, sur son site de campagne, “inacceptable, alors que nos concitoyens ont dû faire face à d’importantes hausses d’impôts depuis 2012, très supérieures à la petite baisse annoncée pour 2017, le ministre exonère Apple et d’autres multinationales d’une imposition plus conséquente”.
Sauf que Michel Sapin a raison. Personne, à part l’Irlande - qui n’en veut pas - ne peut toucher ces 13 milliards d’euros. Cette somme équivaut aux arriérés d’impôts qu’Apple aurait dû payer au fisc irlandais depuis 2004, date à laquelle la Commission européenne estime que Dublin a accordé à la marque à la pomme un régime fiscal qui s’apparenterait à une “aide publique illégale”. “Il ne s’agit donc pas d’un gâteau de 13 milliards d’euros à partager, mais bien d’un montant spécifique pour le cas irlandais”, explique Antoine Colonna d’Istria, avocat fiscaliste associé au cabinet d’avocats Norton Rose Fulbright, contacté par France 24.
Confusion
Ce que propose la Commission européenne est, en fait, différent. Dans sa décision du 31 août qui a pu créer une certaine confusion, elle “fait référence par trois fois à la possibilité pour les États de réexaminer, à la lumière de son enquête irlandaise, si l’allocation de la part des bénéfices d’Apple sur leur territoire a été correctement évaluée”, explique l’avocat français. Bruxelles a établi qu’une partie des profits qu’Apple a domiciliés en Irlande pour y bénéficier d’un faible taux d’imposition provenait de la vente d’iPhone en Autriche, d’iPad en France, en Espagne ou ailleurs. La Commission européenne invite les fiscs nationaux à venir fouiller dans ses données compilées sur dix ans pour savoir si et à quel point la multinationale américaine a sous-estimé les revenus imposables sur leur territoire. Ce qui pourrait donner lieu à des redressements fiscaux conséquents.
Pour Antoine Colonna d’Istria, la France n’a pas d’intérêt à s’appuyer sur les résultats de l’enquête européenne, car “elle a très précisément examiné les comptes d’Apple et a déjà procédé à des perquisitions dans les locaux de la firme en 2013”. Une procédure a été ouverte en 2015 par le fisc français qui s’intéresse aux impôts payés par le créateur des iPhone entre 2011 et 2013. Paris préfère, d’après l’avocat fiscaliste français, “s’appuyer sur la législation française” plutôt que d’ouvrir un nouveau front en s'appuyant sur les données de la Commission européenne.