
Bernard Cazeneuve a cherché lundi à donner un nouvel élan à la création d'un "islam de France", lors d'une journée de consultations avec des représentants de la communauté musulmane, de la société civile et des parlementaires.
Une fondation laïque et une association cultuelle. Bernard Cazeneuve a relancé lundi 29 août le chantier de construction d'un "islam de France", lors d'une journée de consultations avec des représentants de la communauté musulmane, de la société civile et des parlementaires.
Le bureau élargi du Conseil français du culte musulman (CFCM) était présent Place Beauvau au grand complet, ainsi que des personnalités politiques, culturelles et du monde de l'entreprise.
"Une relation "forte et apaisée" avec l'islam"
À l'issue d'un été électrique endeuillé par plusieurs attentats en France et alors que la polémique politique autour du burkini n'est pas encore retombée, le ministre de l'Intérieur a appelé de ses vœux une "relation forte et apaisée" avec les musulmans de France.
"Cette nouvelle étape présente aujourd'hui un caractère d'urgence et de nécessité particulier", a-t-il déclaré lors d'un point presse à son ministère, place Beauvau. "La France est en guerre contre le terrorisme, elle est en guerre contre un ennemi qui cherche à la diviser."
"Nous devons rappeler que la République a vocation à prendre dans ses bras tous ses enfants, quelles que soient leurs origines et leur confession", a poursuivi Bernard Cazeneuve, tout en soulignant que l'islam de France devait "amplifier" son engagement pour la République.
Pour y parvenir, le ministère de l'Intérieur va, comme prévu, créer une Fondation pour l'islam de France, présidée dans un premier temps par l'ancien ministre de l'Intérieur Jean-Pierre Chevènement. La fondation d'utilité publique, laïque, devrait voir le jour d'ici novembre. Elle ne pourra pas financer le culte mais aura vocation à soutenir des projets culturels, éducatifs et sociaux, et pourra contribuer à la formation profane des imams.
Trois représentants de l'État (Intérieur, Culture et Éducation) siègeront à son conseil d'administration, ainsi que le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) et des personnalités qualifiées, dont l'écrivain Tahar Ben Jelloun, l'islamologue Ghaleb Bencheikh, le recteur de la mosquée de Lyon Kamel Kabtane et la cadre d'entreprise Najoua Arduini-Elatfani.
Financement français
La fondation sera financée en partie par l'État, à hauteur d'un million d'euros, somme à laquelle s'ajoutera un reliquat du budget de l'ancienne fondation, d'environ 950 000 euros. Elle devrait aussi recevoir de l'argent d'entreprises et de particuliers et fonctionner, à terme, avec un budget de cinq à six millions d'euros, précise-t-on place Beauvau.
À côté, une association cultuelle dirigée par des musulmans sera chargée du financement des mosquées et de la formation théologique des imams. Un groupe de travail doit être mis en place "dès les jours prochains" pour déterminer les statuts et la composition de cette association cultuelle, et engager une négociation avec la filière halal en vue d'une "contribution volontaire" - et non une taxe, juridiquement inenvisageable - sur ce marché important.
Comme la fondation, l’association s'appuiera sur un financement exclusivement français, insiste-t-on au ministère de l'Intérieur. Elle pourrait être financée par des dons des fidèles et une contribution volontaire des acteurs de la filière halal, à négocier avec les industriels de l'abattage rituel.
Par ailleurs, le gouvernement lancera une mission chargée de proposer la création de nouveaux diplômes d'islamologie, pour aller au-delà des formations déjà proposées dans une quinzaine de grandes universités à de futurs imams et aumôniers.
Chevènement, un choix toujours contesté
L'annonce de la nomination de Jean-Pierre Chevènement à la tête de la fondation avait suscité de nombreuses réserves dans les milieux politiques et chez certains représentants du culte, qui avaient jugé "maladroits" ses propos appelant les musulmans à se faire "discrets".
Le choix de l'ancien ministre, décrit comme un "très bon connaisseur du monde musulman" par Bernard Cazeneuve, n'est plus contesté, assure cependant aujourd'hui le président du CFCM. "Les événements que nous avons à affronter sont d'une gravité telle que chacun doit s'efforcer à concourir au succès de l'islam de France, qui s'autonomisera au niveau de ses financements et de sa propre formation", a déclaré lundi Jean-Pierre Chevènement.
Toutefois, le consultant Hakim El Karoui, l'un des récents signataires de "l'appel des 40" musulmans "prêts à assumer leurs responsabilités", a estimé dans la cour du ministère que la nomination de Jean-Pierre Chevènement, "pas musulman ni spécialiste de culture islamique", constituait "pour le moins une maladresse".
"On nous a dit qu'il avait un rôle de 'préfigurateur' et qu'il n'avait pas vocation à rester longtemps", s'est-il rassuré. Mais Hakim El Karoui, comme d'autres personnalités de la société civile n'ont manifestement pas l'intention de faire de la figuration dans ces nouvelles instances de l'islam. "Si on perd notre temps, on partira", a-t-il prévenu.
Avec AFP et Reuters