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Braquage aux JO-2016 : la version de Lochte remise en cause par les autorités brésiliennes

envoyé spécial France 24 à Rio de Janeiro (Brésil). – Cinq jours après les déclarations de Ryan Lochte, qui a prétendu avoir été agressé par de faux policiers après une soirée, la police brésilienne, s'appuyant sur des images de vidéosurveillance, a contredit la version du nageur américain.

Décidément, même après la clôture des épreuves de natation, le bassin olympique continue de faire parler de lui aux JO-2016. Depuis dimanche, quatre nageurs américains sont au cœur d'une affaire extra-sportive, après avoir raconté qu'ils avaient été victimes d'un braquage dans la nuit de samedi à dimanche, alors qu'ils rentraient en taxi d'une soirée organisée au Club France. Une version qui est aujourd'hui remise en cause par les autorités locales.

"Les athlètes n'ont pas été volés", a déclaré, jeudi 18 août, le chef de la police civile de Rio, Fernando Veloso, ni braqués par des faux policiers, mais ont eu une altercation avec des vigiles dans une station-service dont ils avaient vandalisé les toilettes sous l'effet de l'alcool. À un moment, le vigile "a pointé son arme vers eux car un membre du groupe était agité", a expliqué le policier.

En réalité, "ils se sont arrêtés à une station-service, sont allés aux toilettes, et ce que la vidéosurveillance montre, c'est que l'un d'entre eux a littéralement vandalisé les toilettes, brisant des miroirs et des objets à l'intérieur", a raconté le policier. "Nous pouvons affirmer que les athlètes n'ont pas été volés" et que "les images de vidéosurveillance ne montrent aucun type de violence à leur égard", a ajouté le chef de la police.

Ryan Lochte, sextuple médaillé d'or aux Jeux olympiques, avait relaté sa mésaventure dès dimanche soir sur la chaine américaine NBC. "Le type a sorti son arme, l'a enclenchée, l'a braquée sur mon front et a dit 'baisse-toi'", a-t-il expliqué. "J'ai levé les mains, je me disais 'peu importe'. Il a pris notre argent, mon portefeuille. Il a laissé mon téléphone, mon accréditation (pour les JO, NDLR)".

Le taxi circulait à l'aube vers Barra de Tijuca, dans les quartiers sud de Rio, une zone plutôt huppée et sécurisée de la métropole carioca. Il transportait non seulement Ryan Lochte, mais aussi trois de ses coéquipiers américains : Gunnar Bentz, Jack Conger et Jimmy Feigen.

Confusion parmi les instances

Dans les heures qui ont suivi, les déclarations de Lochte ont provoqué une véritable confusion chez les instances potentiellement concernées par l'affaire. Dans un premier temps, le Comité international olympique (CIO) a démenti l'information, affirmant avoir recoupé les faits auprès du Comité olympique américain (USOC). Mais quelques minutes plus tard, l'USOC a désavoué le CIO par l'intermédiaire de l'un de ses porte-paroles, Patrick Sandusky, qui a soutenu que l'agression avait bien eu lieu.

"Ils ont quitté le Club France samedi à l'aube à bord d'un taxi en direction du Village olympique. Ils ont été stoppés par des individus armés se faisant passer pour des officiers de police qui leur ont demandé de leur remettre de l'argent et d'autres effets personnels", a expliqué le porte-parole américain par voie de communiqué.

La justice brésilienne sceptique

Une confirmation qui n'a pas convaincu pour autant la justice brésilienne, bien décidée à faire toute la lumière sur cette sombre histoire. Keyla Blank, une juge de Rio, a ordonné la confiscation des passeports des quatre nageurs concernés, afin de les empêcher de quitter le territoire. La magistrate a expliqué qu'elle souhaitait lever le doute sur "certaines incohérences dans les témoignages des nageurs", qui auraient livré des informations contradictoires à la police lors de leurs dépositions respectives. Il serait notamment question du nombre d'assaillants présents lors du braquage.

"Il est à noter que les victimes sont rentrées physiquement et mentalement en pleine forme, au point de plaisanter entre eux", a notamment relevé la juge, s'appuyant sur les vidéos des caméras de sécurité de l'hôtel au sein duquel les athlètes séjournent.

Interpellés dans l'avion

Ces dernières heures, deux des nageurs américains – Gunnar Bentz et Jack Conger – ont été débarqués de leur avion afin qu'ils puissent être interrogés jeudi dans les locaux de la police de Rio. Ils ont finalement récupéré leurs passeports et pris la direction des États-Unis dans la soirée. Les forces de l'ordre se sont également rendues au village olympique afin de récupérer les passeports des deux autres nageurs, sans succès. Si James Feigen serait toujours au Brésil, selon plusieurs médias locaux, Ryan Lochte n'a, lui, pas attendu que l'enquête progresse pour rentrer aux États-Unis.

"La police locale est arrivée au village olympique ce matin [mercredi, NDLR] et a demandé à rencontrer Ryan Lochte et James Feigen pour confisquer leur passeport afin de les faire témoigner de nouveau, a pour sa part expliqué le porte-parole du Comité olympique américain. L'équipe de natation a quitté le village après la fin de la compétition, nous n'étions donc pas en mesure de convoquer les athlètes."

De son côté, l'avocat de James Feigen a annoncé vendredi sur la chaîne américaine ABC que son client s'était mis d'accord avec la justice brésilienne pour verser 11 000 dollars à une association caritative brésilienne afin de clore pour de bon cette affaire.

Le Brésil joue son image

Après toutes ces révélations, le Comité olympique américain (USOC) a fini par présenter ses excuses "à ses hôtes et au peuple du Brésil". "Le comportement de ces athlètes est inacceptable et ne correspond pas aux valeurs de l'équipe ou au comportement de la vaste majorité de ses membres. Nous étudierons l'affaire et ses conséquences potentielles pour les athlètes à notre retour aux États-Unis", a commenté l'USOC.

Quant à lui, le sportif américain a présenté ses excuses pour son attitude du week end dernier dans un communiqué publié sur son compte tweeter.

Cette histoire n'est pas sans rappeler celle du rugbyman français Mathieu Bastareaud, pris dans un tourbillon médiatique lors d'une tournée des Bleus en Nouvelle-Zélande.

Apparu au lendemain d'une soirée avec le visage tuméfié, il avait affirmé avoir été agressé par des individus en sortant d'une boîte de nuit. L'affaire avait pris d'incroyables proportions : le Premier ministre néo-zélandais avait formulé des excuses officielles à l'endroit de la France et des centaines de policiers avaient été mobilisés pour retrouver les agresseurs. Avant que le joueur ne finisse par revenir sur ses déclarations...

Au Brésil en tout cas, l'affaire est loin d'être bouclée ; le volet sécurité est l'un des éléments les plus scrutés par les autorités depuis le début des Jeux olympiques. Plusieurs incidents ont déjà émaillé la quinzaine, et le géant d'Amérique latine, qui a régulièrement fait l'objet de doutes sur sa capacité à sécuriser correctement un élément de cette envergure, ne peut pas se permettre d'essuyer un nouveau scandale.

Avec AFP