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Détenu au Bangladesh, Moussa Ibn Yacoub, de l’ONG islamique BarakaCity, de retour en France

Emprisonné au Bangladesh pour "activités suspectes", Moussa Ibn Yacoub, membre de l’ONG islamique BarakaCity, est rentré en France dimanche. Son sort avait suscité une large mobilisation sur Internet, mais un faible écho dans l’opinion publique.

Après plusieurs mois de détention pour "activités suspectes" au Bangladesh, Moussa Ibn Yacoub, un membre de l’ONG islamique BarakaCity, a finalement pu rentrer en France. L’homme de 28 ans est arrivé à Roissy-Charles-de-Gaulle, dimanche 7 août. L'humanitaire avait été arrêté le 19 décembre au Bangladesh, où il visitait des camps de réfugiés Rohingyas, une minorité musulmane venue de Birmanie.

À l’origine de l’affaire : un problème d’identité. Quand l’humanitaire français arrive sur le territoire bangladais, au mois de décembre, les autorités ne comprennent pas pourquoi le nom de "Moussa Ibn Yacoub" ne figure pas sur sa carte d’identité. L’homme se prénomme en réalité Maxime Puemo Tchantchuing. Converti à l’islam, l’humanitaire préfère qu’on l’appelle par son identité musulmane.

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"Les autorités [du Bangladesh] ont pensé à une usurpation d’identité", explique Me Samim Bolaky, l’avocat de Moussa Ibn Yacoub, joint par France 24. "Il y a donc eu, les premiers jours, une suspicion d’intention terroriste […] Moussa a également été accusé de ne pas s'être déclaré aux autorités". Au Bangladesh, les réfugiés rohingyas sont considérés comme des migrants clandestins. "Il est impossible de leur apporter une aide sans être dans l’illégalité, précise l’avocat. Mais Moussa n’a pas cherché à leur apporter de l’aide illégalement. Il était là-bas pour faire du repérage pour BarakaCity."

"Odeur de soufre de BarakaCity"

Reste que la méfiance du Bangladesh à l’égard du Français est assez similaire à celle des autorités françaises à l’égard de l’ONG islamique. "Il y a une odeur de soufre sur l’association BarakaCity, explique Me Boulaky. Je ne dis pas que cela a joué sur le dossier. Je dis que l’ONG doit vivre avec une dure réputation". Au retour de Moussa Ibn Yacoub, dimanche, aucune personnalité politique n’a fait le déplacement sur le parvis de l’aéroport. Seuls sont présents des membres de son comité de soutien et de sa famille.

L’association islamique est, en effet, dans le viseur de l’État français. Fin novembre, après les attentats de Paris, des perquisitions sont menées dans ses locaux, à Courcouronnes (Essonne), dans le cadre de l’état d’urgence. "Il existe des raisons sérieuses de penser que se trouvent [à Barakcity] des personnes, armes ou objets liés à des activités à caractère terroriste", s’était justifié le préfet à l’époque.

Quelques mois plus tôt, en janvier 2016, le président de BarakaCity, Idriss Shihamedi – souvent présenté comme un salafiste bien qu'il récuse cette définition – avait défrayé la chronique pour n’avoir pas suffisamment condamné le groupe État islamique sur le plateau de Canal +.

De nombreux médias ont aussi égratigné l’image de l’ONG, qui n’a que cinq ans d’existence mais déjà une grande popularité, surtout chez les jeunes croyants. Un reportage de La Chaîne parlementaire (LCP) a utilisé en 2015 des images de BarakaCity pour illustrer leur sujet "Djihad 2.0". Un papier sur RTL a remis en cause la vocation purement caritative de l’association.

"Sans la mobilisation populaire, Moussa croupirait toujours dans les geôles bangladaises"

Au début de la détention de Moussa Ibn Yacoub, l’État français a assuré le strict minimum, une protection consulaire. "La France a pris ses précautions", précise Me Boulaky. Selon l’avocat, c’est surtout la mobilisation populaire sur les réseaux sociaux (avec le hashtag #Freemoussa) qui a "sauvé" son client. Son portrait a été affiché sur le fronton de la mairie de Montreuil. Une pétition pour réclamer sa libération, lancée à Noël sur le site de l’ONG, avait recueilli plus de 430 000 signatures.

"C’est cet engouement sur les réseaux sociaux qui a amené les politiques à prendre la question du sort de Moussa avec plus de sérieux. Sans cela, je suis persuadé que Moussa croupirait toujours dans les geôles bangladaises", déclare Me Bolaky. En mars 2016, certains politiques sortent du mutisme. Le député socialiste Benoît Hamon prend position et écrit au ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, pour soutenir la cause d'"un citoyen français engagé, injustement incarcéré dans un pays étranger".

Le 1er mars, après 70 jours d’emprisonnement, les charges contre Moussa Ibn Yacoub sont abandonnées. Le jeune homme, libéré, reste toutefois dans le pays, sous contrôle judiciaire. "Il n’avait pas l’autorisation de quitter le territoire avant la fin de l’instruction", précise Me Bolaky. C’est désormais chose faite.

Moussa Ibn Yacoub doit tenir mercredi après-midi une conférence de presse à l'hôtel de ville de Montreuil. Pour l’heure, l’humanitaire n’a pas fait de déclaration et s’est contenté de remercier son comité de soutien. "Merci à tous d'être venus ici, je suis très, très content d'avoir vu toute la mobilisation derrière moi", a lancé le jeune homme. "Cela montre qu'une communauté est capable de se mobiliser, pas seulement pour Moussa mais pour aider son prochain."

Avec AFP