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Alep : les rebelles empêchent les civils d'approcher les corridors humanitaires

Seul un petit nombre d'habitants d'Alep ont pu sortir vendredi de la zone contrôlée par les rebelles et assiégée par le régime, malgré l'ouverture de corridors humanitaires par Damas. De son côté, l'ONU a proposé de prendre le contrôle des couloirs.

"Une douzaine" sur 250 000. Seul un petit nombre d'habitants d'Alep ont pu sortir vendredi 29 juillet des quartiers contrôlés par les rebelles et assiégés par le régime syrien, avant que les insurgés n'empêchent les civils d’accéder aux couloirs humanitaires ouverts par le pouvoir.

Vendredi, le régime clamait déjà victoire, la télévision d'État utilisant le slogan "Alep victorieuse" et montrant des images de gens euphoriques du côté loyaliste de la ville. L'armée syrienne a, en outre, dit mercredi avoir largué des milliers de tracts sur les quartiers rebelles pour exhorter les habitants à coopérer avec les militaires et appeler les combattants insurgés à se rendre. En donnant son feu vert pour l’ouverture de ces corridors, Damas cherche à vider ces secteurs rebelles des quelque 250 00 habitants pour reprendre plus facilement ces zones qui échappent à son contrôle depuis 2012.

Pour Karim Bitar, directeur de recherches à l'Institut de relations internationales et stratégiques, "les habitants d'Alep font face à un terrible dilemme, ils ont le choix entre risquer de mourir de faim ou risquer de mourir dans leur fuite"."Une chute d'Alep constituerait un revers majeur pour les rebelles. Cela signifierait qu'Assad et (le président russe Vladimir) Poutine ont (...) repris le dessus", indique-t-il. "La tragédie syrienne a souvent montré que l'humanitaire a été utilisé comme stratagème cynique servant des intérêts géopolitiques", selon lui.

Depuis l'annonce par la Russie, alliée du régime dans le conflit, de l'ouverture des couloirs, "une douzaine de personnes ont pu sortir via l'un des corridors à partir du quartier Boustane al-Qasr", a indiqué le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane. "Mais les groupes rebelles ont ensuite renforcé les mesures de contrôle vers ces corridors empêchant les habitants de s'y approcher", a-t-il ajouté.

Pour Paris, ces "couloirs humanitaires" ne constituent pas une solution satisfaisante. "Le droit international humanitaire exige que l'aide puisse être acheminée de toute urgence" aux populations assiégées, a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Romain Nadal. "Dans ce contexte, l'hypothèse de 'couloirs humanitaires' qui consisterait à demander aux habitants d'Alep de quitter la ville n'apporte pas une réponse crédible à la situation", a-t-il précisé.

L'ONU a de son côté proposé de prendre le contrôle des couloirs, son envoyé spécial pour la Syrie, Staffan de Mistura, estimant que "l'ONU et ses partenaires humanitaires savent ce qu'il faut faire" grâce à leur "expérience".

Un médecin travaillant pour une organisation humanitaire a déclaré que les troupes avaient tiré au canon sur des familles se rassemblant près d'un autre de ces "corridors", dans le quartier de Boustan al Kassr. Alors que l'aide n'est plus parvenue à Alep depuis le 7 juillet, des médecins syriens des zones rebelles ont également averti, depuis Genève, qu'une société entière était "en train d'être éradiquée sous les yeux du monde" à Alep.

Divisée depuis 2012

Concrètement, les couloirs sont fermés du côté rebelle mais ouverts de l'autre côté, c'est-à-dire dans les régions sous contrôle du régime, a précisé l'ONG. Malgré ce geste présenté comme humanitaire, Moscou et l'armée syrienne ont continué de bombarder les quartiers rebelles vendredi avant l'aube, selon l'OSDH.

Un quatrième couloir doit être ouvert, dans le nord, sur la route du Castello, afin de permettre "le passage en sécurité des combattants armés souhaitant déposer les armes", a indiqué le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou.

Plusieurs hommes interrogés par l'AFP ont dit craindre que le régime ne les mettent en prison une fois sortis des secteurs rebelles. La tactique du siège a été utilisée par le régime pour soumettre la rébellion dans d'autres régions du pays.

Enjeu majeur du conflit déclenché en 2011, Alep est divisée depuis 2012 en quartiers tenus par le régime du président Bachar al-Assad à l'ouest et secteurs contrôlés par la rébellion à l'est.

À coups de baril d'explosif et de raids aériens intensifs, qui ont fait des centaines de morts et laissé en ruines les quartiers rebelles dans l'est d'Alep, les troupes loyalistes cherchent depuis des mois à reconquérir ce secteur assiégé depuis le 17 juillet, avec l’appui de l'aviation russe.

S'ils perdent Alep, les rebelles n'auront plus comme véritable fief que la province de Damas, notamment la Ghouta orientale, et quelques zones du sud du pays. Les autres régions sont soit aux mains du régime soit contrôlées par les jihadistes.

Selon des analystes, une perte d'Alep pourrait signifier le début de la fin pour la rébellion et représenter un tournant majeur dans la guerre syrienne qui a fait plus de 280 000 morts.

Avec AFP