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Alors que les accusations de dopage accablent Moscou, le Comité international olympique (CIO) a décidé de ne pas exclure le Comité olympique russe des Jeux de Rio. Éclairage sur une décision moins surprenante qu'il n'y paraît.

Participeront ? Participeront pas ? La saga n'en finit pas. Dimanche, le Comité international olympique (CIO) a décidé de laisser la responsabilité aux différentes fédérations internationales le choix de faire participer ou non des athlètes russes aux Jeux olympiques (JO) de Rio. Trois jours plus tôt, le Tribunal arbitral du sport (TAS) avait pourtant validé l'exclusion, par la Fédération internationale d'athlétisme, des athlètes russes impliqués dans un vaste "système de dopage d'État" russe.

Finalement donc, des athlètes russes participeront bien aux compétitions de Rio... mais ne seront pas pour autant blanchis. La décision du CIO donne la désagréable impression de botter en touche. Mais pour Carole Gomez, chercheuse à l'Iris, chargée des questions liées à l'impact du sport sur les relations internationales, la logique du Comité olympique s'explique par le fait qu'elle dépasse largement la sphère purement sportive. Le choix de cette "troisième voie", à 11 jours du coup d’envoi des JO de Rio, est conforme à "l’ADN du CIO", affirme-t-elle. "De par son origine et son histoire, le CIO est un organe inclusif", explique la chercheuse qui voit dans cette "décision qui n’en est pas une", "une volonté de ne pas ostraciser la Russie et de ne pas jeter l’opprobre sur une délégation toute entière".

"Un débat politisé"

"Avec 206 comités nationaux olympiques, le CIO compte davantage de membres que l’ONU", rappelle Carole Gomez. Ainsi, être exclu par le CIO d’un événement aussi fédérateur et prestigieux que les JO revient, pour un pays, à être mis au ban de la communauté internationale. L'importance de cet enjeu diplomatique, au-delà du seul aspect sportif, était palpable ces dernières semaines. "Il y a eu une politisation du débat de la part de la Russie notamment, car pour Moscou, le sport est un 'soft power' [un champ d'influence, NDLR] à part entière", relève Carole Gomez. Le président russe Vladimir Poutine a ainsi mis en garde contre le risque de "schisme" si une sanction collective visait tous les athlètes russes. Le mois dernier, Dick Pound, l’ancien vice-président du CIO, par ailleurs ex-président de l’Agence mondiale antidopage, avait, lui, qualifié l’éventuelle exclusion de la Russie du rendez-vous de Rio d’"option nucléaire".

De fait, l’exclusion de la Russie pour dopage aurait été un événement sans précédent dans l’histoire de l’olympisme : "Le CIO a peu sanctionné dans le passé et quand il l’a fait, c’était toujours pour des raisons politiques, pas pour des affaires de dopage", explique la chercheuse en citant notamment l'Afrique du Sud durant l'apartheid et l'Afghanistan des Taliban en 2000.

"Une opposition entre l’individuel et le collectif"

La décision en demi-teinte du CIO est aussi assez révélatrice de sa "ligne" concernant le dopage, à savoir : "Ne pas pénaliser les athlètes propres… à cause des impliqués". À ce sujet, la chercheuse souligne que "les contorsions de langage utilisées au sujet de la lanceuse d’alerte russe Yuliya Stepanova résument bien les difficultés de la position du CIO" : l’instance a en effet salué l'athlète russe à l'origine des révélations sur le système de dopage russe pour "sa contribution à la protection des athlètes propres"… mais elle a interdit à la sportive de courir à Rio car elle a été sanctionnée pour dopage dans le passé.

Si la décision du CIO déchire le monde sportif, la Russie, elle, s’est dite  "reconnaissante" de la décision qu’elle a qualifié d’"objective". Combien y aura-t-il d’athlètes russes à Rio ? La balle est dans le camp des fédérations internationales. Au moins huit joueurs et joueuses de tennis ont déjà reçu le feu vert de leur fédération. Mais lundi, dix autres sportifs russes – sept nageurs, deux haltérophiles et un lutteur – ont été déclarés non éligibles pour les Jeux de Rio.