À l'origine d'une pétition controversée sur les dangers de certaines vaccinations, le très médiatique et décrié professeur français Henri Joyeux, sera radié de l'Ordre des Médecins à compter du 1er décembre.
Les propos controversés du professeur Henri Joyeux sur la vaccination commençaient à créer des problèmes jusque dans les cabinets des praticiens français. Ses pairs ont fini par trancher : le chirurgien cancérologue à la retraite depuis 2014 a été radié par la chambre disciplinaire de l’Ordre des Médecins du Languedoc-Roussillon, selon l'agence de presse médicale. Une sanction qui prendra effet à compter du 1er décembre 2016. Contacté par France 24 lundi 11 juillet, le conseil régional de l'ordre des Médecins de la région Languedoc-Roussillon n'a pas souhaité commenter la décision.
Lanceur d’alerte ou médecin dangereux ?
Tout a commencé, en juin 2015, lorsque le sulfureux cancérologue montpelliérain faisait l'objet d'une plainte du Conseil de l'ordre. En cause, la mise en ligne d’une pétition toujours active à ce jour adressée à la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Son objectif : mettre en garde contre la présence de substances "dangereuses" présentes dans des adjuvants de vaccins contre la DT Polio utilisés en raison d'une pénurie qui dure depuis novembre 2014.
Dans sa pétition, le professeur dénonce également une manipulation frauduleuse des laboratoires pharmaceutiques qui organisent, selon lui, la pénurie sur les vaccins obligatoires (DTpolio-Coqueluche), pour vendre des vaccins, eux disponibles sur le marché, qui protègent contre six maladies (DTPolio-Hib-Coqueluche-Hépatite B, appelé Infanrix Hexa) et coûtent beaucoup plus cher. L'homme, qui clame ne pas être contre les vaccins mais contre les abus, a déclaré le 27 mai 2016 sur BFMTV que, "les laboratoires pharmaceutiques ont créé une véritable pénurie du seul vaccin obligatoire, en créant un vaccin sept fois plus cher. Ils s'intéressent beaucoup plus à leur pognon qu'aux patients !"
"Aucune preuve scientifique"
Des prises de position qui heurtent les membres de la chambre disciplinaire du Languedoc-Roussillon. Ses confrères lui reprochent de développer des arguments ne se fondant "sur aucune preuve scientifique" voire "alignant des contre-vérités" et "dangereux pour la population parce qu'il s'agirait de discréditer le mécanisme de vaccination préventive".
Ses propos sont d’autant plus gênants qu’ils rencontrent un large succès sur la Toile. Sa pétition, mise en ligne sur son site officiel, recueillait plus d’un million de signatures le 10 juillet. Relayées sur les réseaux sociaux, ses vidéos diffusées sur YouTube et Facebook enregistrent plus de 100 000 vus en moyenne. Le professeur peut également s’enorgueillir d’envoyer sa newsletter hebdomadaire à quelque 580 000 fidèles abonnés.
Également présent dans les rayonnages des librairies, son dernier livre, "Changez d'alimentation", s'est vendu à plus de 150 000 exemplaires. L’homme sillonne enfin les routes de France pour y donner conférences. Bien que très présent dans les médias, Henri Joyeux n'a pas donné suite à notre demande d'interview adressée par mail.
Extrait d'une conférence donnée par le professeur Henri Joyeux
"Des positions rétrogrades"
Une médiatisation bien rôdée qui irrite les médecins quotidiennement confrontés à la réticence de patients nouvellement convertis. Henri Joyeux "a instillé un doute sur la vaccination, explique Patrick Rebillard, pédiatre dans un hôpital lyonnais, au Monde. On doit désormais argumenter de plus en plus longtemps avec certains parents pour vacciner leurs enfants et expliquer qu’on n’a pas d’intérêt financier à le faire.
Le cas Joyeux agace également au plus niveau du ministère de la Santé. Marisol Tourraine accuse le médecin controversé "d'attiser les craintes", "d'inquiéter et de faire peur". Offensive, la ministre s’en prend à ses "positions rétrogrades sur toute une série de sujets", faisant référence à ses opinions conservatrices concernant notamment le mariage homosexuel, l’avortement ou la contraception.
Avec une telle tribune, pas sûr que la sanction prévue par l’Ordre des Médecins lui cause beaucoup de tort. Concrètement, une radiation se traduit par l'interdiction formelle d'exercer la médecine, une disposition qui ne devrait pas gêner outre mesure ce cancérologue à la retraite. Reste que le chirurgien ne pourra plus faire état de son statut de docteur en médecine. Un titre pourtant précieux pour s’attirer le crédit des maisons d’édition et faire venir des auditeurs à ses conférences.
Il n'est pas certain que la sanction prévue par le conseil de l'Ordre des Médecins ne fasse totalement taire ce médecin rebelle. Après sa condamnation en première instance, le professeur Joyeux a trente jours à dater de la notification pour faire appel au niveau national.