Un calme précaire semble être revenu samedi à Juba, capitale du Soudan du Sud. Jeudi et vendredi, la ville a été secouée par des échanges de tirs au cours desquels plus de 150 soldats sont morts, ravivant le spectre d'une guerre civile.
La tension restait vive, samedi 9 juillet, à Juba pour le cinquième anniversaire de l'indépendance du Soudan du Sud, après des affrontements la veille entre soldats fidèles au président Salva Kiir et des gardes du corps du vice-président et ex-chef rebelle Riek Machar, qui ont fait "plus de 150 morts".
Cette dernière éruption de violences représente un nouvel accroc au fragile accord de paix signé en août 2015 entre le président Kiir et le chef de la rébellion à l'époque, Riek Machar, dont les forces s'affrontent depuis décembre 2013. Ce dernier était redevenu vice-président à la faveur de l'accord de paix, censé avoir mis fin à deux ans et demi d'une guerre civile dévastatrice.
Juba, la capitale du Soudan du Sud, a été vendredi le théâtre de violents échange de tirs à l'arme automatique. Vendredi en fin de journée, un correspondant de l'AFP qui se trouvait dans le palais présidentiel a rapporté avoir entendu des rafales d'armes automatiques.
Les tirs ont d'abord été entendus aux abords immédiats du palais présidentiel, où le président et son vice-président étaient réunis pour une conférence de presse, selon la même source. "Ces tirs nourris ont retenti durant plus de deux heures, [...] suscitant l'inquiétude de la population", explique Patricia Huon, correspondante de France 24 à Juba.
À 19h45, un calme relatif semblait être revenu dans la capitale, où la nuit était tombée. "Ce qui se passe en dehors [du palais présidentiel] est quelque chose que nous ne pouvons pas expliquer", a déclaré le président Kiir à des médias locaux, tout en appelant au calme.
Un des médecins d'un hôpital de la capitale a affirmé que des soldats avaient déposé des dizaines de corps de personnes tuées sous les coups de feu qui ont éclaté dans toute la ville. Ce dernier a précisé qu'il ne pouvait pas dresser un bilan du nombre de morts, car les soldats n'autorisent pas les médécins à examiner les corps, mais selon lui, la morgue de l'hôpital de Juba est pleine.
Samedi, un porte-parole de Riek Machar, Roman Nyarji, a toutefois annoncé un bilan de "plus de 150 morts". "Ce bilan pourrait s'alourdir, car les deux unités de la garde présidentielle se sont affrontées dans ces combats hier", a-t-il déclaré en référence aux soldats chargés de la protection des deux dirigeants.
itAccrochage entre soldats loyaux à Kiir et ex-rebelles
Ces échanges de tirs, après un premier accrochage sérieux dans la capitale jeudi, ravivent les craintes d'un échec du fragile processus de paix en cours au Soudan du Sud, qui s'apprête à marquer samedi, sans festivités, le cinquième anniversaire de son indépendance.
Ces nouvelles violences, dont on ignorait en début de soirée qui elles opposaient, s'inscrivent dans un contexte de tension accrue à Juba, au lendemain d'un accrochage entre soldats loyaux à Kiir et ex-rebelles.
Jeudi, "à 19h55 environ, un véhicule transportant des gardes du corps du premier vice-président [Riek Machar] a ouvert le feu sur des forces de sécurité qui procédaient à des contrôles de routine sur des véhicules", avait accusé vendredi dans un communiqué le porte-parole de l'armée gouvernementale, la SPLA. "Cette fusillade hostile a provoqué la mort de cinq soldats de la SPLA et deux autres ont été blessés", avait ajouté le général Lul Ruai Koang. Mais, avait-il précisé, "le haut commandement de la SPLA considère ces affrontements comme un incident isolé qui doit faire l'objet d'une enquête".
Inquiétudes à l’ONU
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a dit par communiqué son "inquiétude" quant à une situation qui "illustre encore une fois le manque d'engagement réel des parties dans le processus de paix, et représente une nouvelle trahison du peuple du Soudan du Sud, déjà victime d'épouvantables atrocités depuis décembre 2013".
Le pays tente de sortir d'une guerre civile de plus de deux ans, débutée en décembre 2013 et qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts. Dans le cadre d'un accord de paix signé en août 2015 entre les deux principaux protagonistes du conflit, Salva Kiir et Riek Machar, ce dernier est revenu en avril à Juba où il a été réinstallé vice-président et a formé avec Kiir un gouvernement d'union nationale.
Mais sur le terrain, les hostilités se poursuivent. En juin, dans la ville de Wau – devenue la deuxième du pays après que celles de Malakal, Bor et Bentiu eurent été partiellement détruites pendant la guerre – les combats ont forcé quelque 88 000 habitants à fuir.
Le conflit a éclaté au sein de l'armée nationale, minée par des dissensions politico-ethniques alimentées par la rivalité entre le président Kiir et son vice-président Machar. Les combats ont provoqué une crise humanitaire, forçant 2,6 millions d'habitants à fuir leurs foyers et faisant dépendre cinq millions de personnes, plus d'un tiers de la population, d'une aide alimentaire d'urgence.
Avec AFP