
Les banques italiennes, qui croulent déjà sous les créances douteuses, sont en plus affectées par le Brexit. Si elles font faillite, le risque de l’effet domino pourrait créer l’environnement propice à une nouvelle crise de la zone euro.
Pas de répit pour l’économie européenne. Après l’incertitude sur les marchés financiers provoquée par le Brexit, un vieux démon italien est venu se rappeler à la mémoire de Bruxelles. Les banques italiennes sont plus que jamais au bord du gouffre financier, au point que l'Union européenne et Rome craignent que les stress-test financiers (test de solidité des banques européennes) du 29 juillet ne révèlent l’ampleur du désastre. D'autant qu'aucune solution ne se profile à l’horizon pour leur venir en aide.
Le secteur bancaire transalpin croule, en effet, sous les créances douteuses dont le montant total s’élève à près de 360 milliards d’euros, un record en Europe. Dans certains établissements, “plus de la moitié des crédits accordés risquent de ne jamais être remboursés”, précise Pascal de Lima, économiste en chef du cabinet de conseil EconomicCell et spécialiste du secteur bancaire à France 24. Et les banques n’ont pas, à l’heure actuelle, suffisamment de fonds propres pour couvrir les éventuelles pertes si les débiteurs faisaient effectivement défaut.
"Une nouvelle Irlande" ?
Si la faiblesse des institutions financières transalpines est un boulet que l’Union européenne se traîne depuis la crise de la zone euro de 2010. Le Brexit a exacerbé le problème. Le résultat du référendum a entraîné de fortes turbulences sur les marchés financiers, frappant de plein fouet les valeurs bancaires et spécialement les plus fragiles d’entre-elles, c’est-à-dire les établissements italiens.
L’action de la banque Monte dei Paschi, la plus vieille institution financière du monde, était en chute libre en début de semaine (-36 % en deux jours) avant que le régulateur boursier italien n'intervienne, le 6 juillet, pour interdire de spéculer sur elle. Monte dei Paschi, chroniquement au bord de la faillite depuis des années et impliquée aussi dans des affaires de corruption, est un cas extrême, mais la plupart des plus de 600 établissements bancaires du pays ont perdu de la valeur depuis le référendum sur le Brexit.
L’Italie ressemble de plus en plus à "une nouvelle Irlande", constate Pascal de Lima. En novembre 2011, Dublin avait dû faire appel à l’aide financière internationale pour sauver son secteur bancaire qui menaçait de s’effondrer sous le poids des créances douteuses.
Mais le cas italien a plusieurs spécificités. Devant l'ampleur des créances douteuses, l’addition pour sauver les banques de la cinquième puissance économique européenne risque d’être plus salée que celle de l’Irlande qui s’élevait à 67 milliards d’euros. Les autres États de l'UE, dont les finances publiques ne sont pas au beau fixe, ne pourront peut-être pas contribuer à un fonds européen de soutien à l’Italie.
Les problèmes bancaires italiens ne proviennent pas, non plus, d’un effondrement du secteur immobilier comme en Irlande. Les établissements bancaires transalpins “ont des règles d’octroi du crédit plus souples qu’ailleurs en Europe, ce qui fait qu’elles sont moins regardantes sur la qualité de l’emprunteur”, résume Pascal de Lima.
L’impasse
Le Premier ministre italien, Matteo Renzi, aimerait injecter directement de l’argent dans les banques en difficulté, en empruntant de l’argent à l’Europe au besoin, comme cela avait été fait en Irlande (2011), en Grèce (2010) et au Portugal (2012).
Mais une réglementation européenne de 2014 complique considérablement la tâche du gouvernement italien. Elle stipule que les actionnaires des groupes mettent la main à la poche en premier - en acceptant de perdre de l’argent - pour soutenir les banques avant que l’argent des contribuables soit utilisé. La règle part d’un bon sentiment - faire payer en priorité des riches actionnaires -, mais ignore une des spécificités du système italien : "Historiquement, les actionnaires des banques italiennes sont principalement des petits épargnants ou des particuliers, ce seraient donc eux qui paieraient en premier”, souligne Pascal de Lima. “Matteo Renzi peut difficilement demander à des retraités et à des simples citoyens de perdre de l’argent, alors que tous les autres pays ont pu se faire aider par l’UE et le FMI”, souligne le Financial Times.
Le Premier ministre italien a bien compris l’enjeu politique et a annoncé, le 4 juillet, qu’il ferait tout pour sauver les banques y compris ignorer cette règlementation de 2014. Cette déclaration a fortement déplu à Berlin qui a balayé du revers de la main la possibilité d’aider directement les banques italiennes à travers un programme d’aide internationale, si Rome décidait de contourner “des règles adoptées il y a à peine deux ans”.
“L’Italie est dans une impasse”, conclut Pascal de Lima. Le gouvernement refuse de faire payer des petits actionnaires et l’Allemagne ne veut pas que des fonds européens soient prêtés à Rome si la réglementation de 2014 n’est pas respectée. Un bras de fer qui pourrait coûter cher à l’UE. Si des banques italiennes faisaient faillite, le risque de l’effet domino - la contagion à d’autres pays européens - pourrait créer l’environnement propice à une nouvelle crise de la zone euro.