
Le Land de Rhénanie-Palatinat a décidé d’annuler la vente d’un aéroport à un investisseur chinois après avoir découvert que l’acquéreur n’existait pas et que l’offre était trop belle pour être honnête.
La mariée était trop belle. Elle s’appelle Shanghai Yiqian Trading (SYT), une société chinoise d’investissement qui avait fait une offre estimée à 16 millions d’euros pour acquérir l’aéroport régional de Francfort-Hahn. Las, le Land de Rhénanie-Palatinat, propriétaire à 85 % de ce lieu dédié aux vols low-cost, a mis le holà à cette vente mercredi 6 juillet. Et pour cause : l’acquéreur, introuvable, n’existe probablement pas.
L’opposition régionale de droite et les médias nationaux allemands se sont déchaînés contre l'exécutif local, qui a failli être responsable de l’un des plus grands ratés de l’histoire économique de cette région. Comment expliquer la légèreté avec laquelle le gouvernement local, constitué d’une alliance entre les sociaux démocrates du SPD et Les Verts, s'est engagé dans cette galère ?
Mystère au 319 Minlei Road
Il y a un mois, les autorités de Rhénanie-Palatinat affichaient la mine des vainqueurs. Elles avaient conclu, le 2 juin, un accord avec SYT qui, outre la promesse d'une belle somme, assurait vouloir préserver l’intégralité des emplois et inonder l’aéroport de Francfort-Hahn de touristes asiatiques. Shanghai Yiqian Trading offrait au gouvernement de sortir la tête haute d’un bourbier économique : l’aéroport Francfort-Hahn devait, en effet, être privatisé car il était chroniquement déficitaire et ses pertes commençaient à peser trop lourd sur les finances régionales.
Mais le soulagement des autorités a été de courte durée. Plusieurs médias allemands se sont intéressés au cas SYT, une société sans site internet, capable de mettre sur la table des millions d’euros alors que le principal concurrent à la reprise, un important conglomérat chinois dans le secteur de l’aéronautique (HNA), ne voulait pas mettre plus d’un euro symbolique dans l’affaire.
Des journaux allemands et chaînes de télévision ont dépêché des envoyés spéciaux au 319 Minlei Road, dans le quartier de New Pudong, à Shanghai, fin juin. C’est l’adresse postale du “Guo Qing Investment Company”, dont le propriétaire est aussi l’actionnaire principal de SYT. Sur place, surprise : l’immeuble, qui fait face à un poste de police, abrite un simple marchand de pneus. L’un des vendeurs a expliqué au journaliste du quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung que le siège de SYT se trouvait au 17e étage. Nouvel étonnement du journaliste qui a grimpé jusque là : aucune enseigne à l'entrée de cette société d’investissement et les “bureaux” se résument à une pièce vide avec quelques tables et un escalier menant à un débarras dans lequel traîne quelques cartons.
Un premier paiement qui se fait attendre
Derrière les apparences de coquille vide, la SYT semble surtout être l’arme du crime d’un investisseur douteux, a découvert, pour sa part, l’ARD, la première chaîne de télévision allemande. “Vous êtes l’un des clients floués ?”, a demandé l’un des vendeurs du magasin de pneus au reporter qui voulait en savoir plus sur l’énigmatique société. Il a assuré que l'an dernier, des clients mécontents venaient tous les jours demander où était passé leur argent investi dans la Guo Qing Investment, sans jamais trouver personne d’autre que les vendeurs de pneus pour écouter leurs doléances.
La multiplication des reportages à la recherche de l’investisseur ont fini par ébranler la confiance du gouvernement dans l’offre de SYT. Surtout qu’un premier paiement, en gage de garantie, n’avait toujours pas été versé, un mois après la signature de l’accord. Fin juin pourtant, les autorités rappelaient encore qu’une étude du cabinet KPMG avait confirmé la solidité financière de l’entreprise chinoise. De quoi mettre en cause le sérieux du travail d’audit effectué. Enfin, le 5 juillet, les autorités ont dépêché un émissaire à Shanghai qui n'a pu que confirmer qu'il n'y avait personne à l'adresse indiquée.
Lors d’une audience consacrée à cette affaire, jeudi 7 juillet, au Parlement de Rhénanie-Palatinat, au lendemain de l'annulation de la vente, les élus ont tous reconnu qu’il y avait une succession de ratés qui avait failli coûter cher à la région. Car dorénavant, la ministre-présidente de la région, la socio-démocrate Malu Dreyer, est convaincue que l’acheteur “avait l’intention criminelle” de partir sans laisser d’adresse après avoir empoché les subventions publiques que le Land s’était engagé à continuer de verser au début.