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Arnaud Mimran, l'homme d'affaires sulfureux qui embarrasse Netanyahou

Considéré comme l’un des acteurs clés du "casse du siècle", dont le jugement doit être rendu jeudi, Arnaud Mimran aurait également financé en 2009 la campagne du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, selon Mediapart et Haaretz.

Affaires juteuses, séjours dans les plus beaux palaces français, israéliens ou américains, voitures de luxe, parties de poker avec Patrick Bruel dans des cercles de jeux très privés, relations haut placées... la vie de golden boy d’Arnaud Mimran ressemble à celle d’un personnage de roman.

Mais malheureusement pour ce Franco-israélien de 44 ans, l’un des principaux prévenus dans l’affaire de l’escroquerie au CO2, dont le jugement est attendu jeudi 7 juillet, son histoire pourrait prendre un mauvais tour. Dix ans de prison assortis d'un million d'euros d'amende ont ainsi été requis contre lui et les deux autres principaux prévenus, Marco Mouly et le courtier polonais Jaroslaw Klapucki, tandis que sa relation avec Benjamin Netanyahou empoisonne de plus en plus le Premier ministre israélien.

Les trois hommes sont soupçonnés d’avoir participé entre 2008 et 2009 à une escroquerie à la TVA sur le marché des quotas de CO2, en association avec Sami Souied. Surnommé le "Caïd des hippodromes", ce dernier a été retrouvé assassiné porte Maillot à Paris en 2010 dans une affaire sur laquelle butent toujours les enquêteurs de la brigade criminelle. Selon les dires d’Arnaud Mimran, ce dernier l’aurait entraîné, lui et sa troupe, dans la désormais célèbre "arnaque à la taxe carbone".

L'escroquerie consistait à acheter des quotas hors taxe dans un pays étranger, avant de les revendre en France à un prix incluant la TVA, puis d'investir les fonds dans une nouvelle opération. La TVA, elle, n'était jamais reversée à l'État. Au total, ce qui est désormais considéré comme le "casse du siècle" à coûté 1,6 milliard d’euros à l’État français et 5 milliards d’euros au niveau européen.

As de la finance au train de vie "tape à l'œil", de son propre aveu, Arnaud Mimran a investi 8 millions d'euros "sur Samy Souied", puis devait en récupérer 11, mais assure qu'il n'avait "même pas envisagé" qu'il s'agisse d'une escroquerie. Ce n'est qu'après, en février 2009, qu'il a eu conscience d'être "impliqué dans une escroquerie à la TVA", a-t-il soutenu durant le procès, finissant par concéder être "receleur". La justice estime qu’à lui seul, Mimran aurait contribué à détourner 283 millions d'euros des caisses du Trésor public.

La justice française connaît bien Arnaud Mimran. Il est en effet également mis en examen dans une affaire criminelle d’enlèvement, de séquestration et d’extorsion de fonds en bande organisée sur la personne d’un banquier suisse d’origine turque. Son nom apparaît également dans des affaires de meurtre, sans qu’il ait, toutefois, fait l’objet de poursuites judiciaires.

Mais son business, ce sont davantage les arnaques à la fausse régie publicitaire et les escroqueries à la TVA en tout genre. Alors qu’il n’a déclaré que 45 000 euros de revenus annuels entre 2010 et 2012, Arnaud Mimran possède un duplex de 400 mètres carrés avec piscine intérieure avenue Victor Hugo, dans le 16e arrondissement de Paris, voyage en jet privé, joue des fortunes dans les casinos de Las Vegas et se paie le luxe, en novembre 2012, de faire venir chanter Puff Daddy et Pharell Williams à la bar-mitsva de son fils.

La campagne de 2009 de Netanyahou financée par Arnaud Mimran

Mais si tous ces éléments étaient déjà connus, le procès du "casse du siècle" a surtout permis de faire apparaître au grand jour les liens qu’entretient Arnaud Mimran avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Tout est parti d’une petite phrase prononcée dans le flot des audiences de ce procès fleuve. "Je lui ai versé un million", a ainsi lâché l’homme d’affaires, jeudi 19 mai, au sujet de Netanyahou.

Une association avec un tel personnage n’étant pas du meilleur effet, le bureau du Premier ministre israélien a, de son côté, évoqué un don de 40 000 dollars, soulignant que Benjamin Netanyahou n'avait pas, au moment des faits en 2001, de fonction publique et que l'argent était allé à un fonds finançant des activités privées.

Ces éléments, déjà évoqués au stade de l'instruction, ont créé une onde de choc en Israël, où la justice a commencé à "examiner" les dires d'Arnaud Mimran, d’autant que la retranscription de son premier interrogatoire par la douane judiciaire montre que le Franco-israélien a directement financé la campagne de "Bibi" en 2009.

Selon cette retranscription que publient Mediapart et le quotidien israélien Haaretz, Arnaud Mimran a d'abord assuré qu’il ne connaissait pas le rôle précis joué dans la fraude par Jérémy Grinholz, l’un des acteurs et témoins clés du dossier. Puis il a ajouté : "Je l'ai vu la première fois début 2009 [en Israël]. J'y allais souvent à l'époque, comme Marco [un associé dans la fraude – NDLR] y était et, à cette époque, c'était les élections. Je suis proche de Netanyahou dont j'ai financé [la campagne] à hauteur de 200 000 dollars."

Mediapart et Haaretz affirment également qu’Arnaud Mimran a célébré l’élection de Netanyahou en 2009 avec celui-ci, dans un hôtel de Tel Aviv. "L’étude des allers-retours de Mimran en Israël à cette même période, qui correspondent aux moments forts de la fraude aux quotas carbone, est de nature à le confirmer", écrivent Fabrice Arfi et Dov Alfon.

Depuis les premières révélations de Mediapart et Haaretz, qui ont rapporté que l’homme d’affaires avait payé au couple Netanyahou de somptueuses vacances à Courchevel ou à Monaco, en 2003, "le Premier ministre d’Israël a changé de version au moins trois fois sur la nature exacte de ses relations, amicales ou financières, avec Mimran", ajoutent les deux journalistes, qui soulignent l’embarras dans lequel se trouve aujourd’hui Netanyahou, obligé de répondre à des questions de journalistes sur ce sujet pendant des voyages officiels en Russie ou en Afrique. Ce dernier ne se doutait sans doute pas il y a encore quelques semaines que le procès en France du "casse du siècle" aurait des répercussions jusqu’en Israël.

Avec AFP