
La lutte contre l’EI en Syrie, qui s’était intensifiée les mois derniers avec l’aide de Washington notamment, semble piétiner : les jihadistes repoussent les rebelles syriens sur deux fronts et l’armée syrienne sur un troisième.
En Syrie, l’organisation État islamique (EI) n’avance plus mais résiste. Durant les mois derniers, la lutte contre le groupe jihadiste s’est intensifiée, avec notamment un soutien appuyé des États-Unis à des groupes de rebelles syriens modérés et ce sur plusieurs fronts.
Le but : affaiblir l’EI en lui reprenant des villes stratégiques comme Minbej, au nord d’Alep, ou encore Boukamal, à la frontière entre la Syrie et l’Irak. Mais après avoir avancé jusqu’à la semaine dernière, les rebelles soutenus par Washington marquent le pas, voire même essuient des revers.
Les FDS repoussées par l’EI à Minbej dans le Nord
À Minbej, au nord d’Alep, les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants kurdes et arabes, ont lancé le mois dernier une offensive contre la ville détenue par l’EI, visant à lui couper l’accès à la frontière turque. Pour l’EI, la perte de Minbej serait un coup très dur et mettrait son fief, Raqqa, à découvert.
Alors que les FDS étaient rapidement entrés dans la ville et avaient libéré plus de 13 000 civils pris au piège, les jihadistes ont réussi à les repousser avant qu’ils ne puissent atteindre le centre-ville.
Selon Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des mouvements jihadistes, l’EI a opposé à Minbej une résistance beaucoup plus importante que prévu par les FDS. "Les jihadistes ont lancé une contre-offensive et ont réussi dernièrement à attirer des nouvelles recrues de la région, hostiles aux kurdes [les FDS qui tentaient de s’emparer de la ville sont composées en majorité de kurdes, NDLR]."
Un porte-parole des FDS, cité par Reuters, a néanmoins démenti tout retrait des combattants de l'alliance et a assuré que l'offensive se poursuivrait "jusqu'à ce que Minbej soit libérée".
Échec de la Nouvelle armée syrienne contre l’EI à Boukamal dans l'Est
Ce n’est toutefois pas le seul endroit où l’EI résiste. Menacée dans son fief de Raqqa, l'organisation a repoussé la percée de l’armée syrienne qui avait pourtant réussi à avancer dans la province à 20 km de la ville stratégique de Tabqa.
À Boukamal, dans l’est du pays, les jihadistes ont également repoussé le 30 juin les assauts de la Nouvelle armée syrienne (NAS), une autre formation rebelle entraînée et équipée par les États-Unis. Ce petit groupe, fondé en novembre 2015, affirme concentrer ses efforts sur la reprise du point de passage de Boukamal, à la frontière entre la Syrie et l'Irak.
Contrôlé par l'EI depuis mi-2014, ce poste-frontière de la province syrienne de Deir Ezzor est hautement stratégique, car il constitue une voie d'approvisionnement militaire pour les jihadistes entre les territoires qu'ils contrôlent dans les deux pays.
Face à l'EI, qui compte des dizaines de milliers de combattants, la NAS ne regroupe qu'une centaine d'hommes non islamistes, entraînés par les Américains et les Britanniques dans un camp de la coalition internationale en Jordanie.
Le porte parole de la "Nouvelle armée syrienne" confirme le retrait de l'aéroport et des alentours de #BouKamal
— Wassim Nasr (@SimNasr) 29 juin 2016Si les tweets ne s'affichent pas sur votre mobile, cliquez ici.
"Il ressort que les États-Unis n'ont aucune considération pour la vie de leurs protégés. Lancer une petite force au coeur du territoire de l'EI était tout à fait insensé", commente Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie et chercheur à l’université d’Edimbourg, cité par l’AFP. Pour lui, l'offensive de la NAS est "vouée à l'échec" puisque "le groupe est clairement trop faible pour s'engager dans de telles opérations".
La stratégie anti-EI en Syrie en question
Pourtant, rappelle Wassim Nasr, la NAS avait réussi à avancer vers la ville et à prendre l’aéroport. Mais selon lui, c’est la stratégie de la coalition contre l’EI qui pêche. "Contrairement à l’Irak, la coalition espère encore qu’en Syrie, la population locale, sunnite, va se retourner contre les jihadistes. C’est pour cela qu’on ne détruit pas les villes, pour ne pas s’aliéner la population", explique-t-il.
Et d'ajouter : "Mais cela ne fonctionne clairement pas : à Boukamal, on a envoyé la NAS, un petit groupe, en espérant qu’il serait appuyé par la population locale, mais cette dernière ne s’est pas retournée contre les jihadistes. Les rares qui l’ont fait ont été exécutés, ce qui a fini de dissuader les autres." Wassim Nasr souligne qu’il ne faut pas négliger les appuis dont l’EI bénéficie parmi les habitants. En outre, les rebelles sur lesquels s’appuie Washington se battent pour l’argent et non par conviction, ce qui les rend moins efficaces, observe-t-il encore.
Ainsi, même si elle ne gagne plus de terrain, l’organisation jihadiste résiste et organise des contre-offensives. Une résistance acharnée qui préfigure que les batailles pour reconquérir les villes de Syrie aux mains de l’EI risquent d’être de longue haleine.