Le tribunal correctionnel de Paris a condamné, mardi, l'ancienne star déchue de la PJ lyonnaise, Michel Neyret, à deux ans et demi de prison ferme pour corruption. Il ne retournera pas derrière les barreaux, sa peine étant aménageable.
Le super-flic déchu, Michel Neyret, a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à deux ans et demi de prison ferme pour corruption. L'ex-numéro deux de la police judiciaire (PJ) lyonnaise, qui a déjà effectué huit mois de détention provisoire dans le quartier VIP de la Santé, ne retournera pas derrière les barreaux, sa peine étant aménageable.
"Je suis soulagé, c'est une parenthèse de cinq ans de ma vie qui s'est refermée aujourd'hui", a déclaré à l'issue du jugement le policier aux cheveux poivre et sel, teint hâlé, qui, à 60 ans, a gardé son allure de playboy aux costumes bien taillés.
Séjours de luxe contre petits services
Sa réputation et son aura avaient volé en éclats, à l'aube du 29 septembre 2011, quand la police des polices l’interpelle à son domicile après des écoutes réalisées dans le cadre d'une enquête sur une saisie de drogue en région parisienne. Mis en examen pour corruption, l'ex-commissaire sera écroué huit mois, avant d'être révoqué de la police et mis à la retraite.
Il est alors poursuivi pour avoir accepté du "milieu" des séjours de luxe et des cadeaux en échange d'informations confidentielles et de "services". Il était également soupçonné d'avoir prélevé sa dîme sur des saisies de stupéfiants pour rétribuer des informateurs. Une peine de quatre ans de prison, dont 18 mois avec sursis, avait été requise à son encontre.
Il est ressorti des trois semaines d'audience à Paris "très éprouvé physiquement et psychologiquement", selon un de ses avocats. Durant le procès, l'ex-policier a reconnu s'être perdu dans la gestion de ses "indics". Selon lui, les cadeaux reçus provenaient d'informateurs devenus des amis qui voulaient lui "faire plaisir". Sur les prélèvements de stupéfiants, il a assumé cette pratique pour fidéliser des "indics", tout en affirmant, sans convaincre, n'y avoir eu recours qu'à une seule reprise pour 300 grammes de résine de cannabis.
Un "gros bosseur" redouté des voyous
À 22 ans, ce fils de mineur lorrain voulait "être flic ou pilote de chasse". Mais sa légende, ce diplômé de l'école des commissaires la bâtit à Lyon, où il arrive dans les années 1980 pour prendre la tête de "l'antigang", aujourd'hui Brigade de recherche et d'intervention (BRI).
En 21 ans dans ce service prestigieux, ce "gros bosseur" redouté des voyous se tisse un volumineux carnet d'adresses, d'indics comme de notables. Ses "meilleures années", selon lui. Bien trop longues pour un poste aussi "exposé" et un "climat relationnel délicat", ont estimé à la barre du tribunal d'anciens patrons de la police.
Mais Neyret "avait la confiance et l'estime de ses hommes", explique Bernard Trenque, patron de la PJ lyonnaise de 1995 à 2002, resté "son ami". Il souligne son "sang-froid particulier" et "cette qualité éminente de calmer les gens autour de lui".
"Comme tout bon poulet, il avait quelque chose d'un peu voyou, il voulait réussir, faire de belles enquêtes [...] et il se défonçait pour ses indics", renchérit l'un d'eux, dans une biographie signée par le journaliste lyonnais Richard Schittly (Taillandier, 2016). Au point de franchir la ligne jaune dans sa façon de les rémunérer.
Son arrestation des évadés de la prison de Luynes (Bouches-du-Rhône) lui vaudra la Légion d'honneur en octobre 2004. Un mois plus tard, il part à Nice pour y diriger l'antenne de la PJ. Une période vécue comme un déracinement, durant laquelle il aurait commencé à "déraper" selon ses détracteurs.
Des "résultats impressionnants"
En 2007, Neyret retrouve Lyon, sa terre de cœur, comme n°2 de la PJ. "Il revendiquait d'être un homme de terrain ; j'avais une totale confiance", expliquait après son interpellation l'ancien procureur général, Jean-Olivier Viout.
Nombre de collègues et magistrats décrivent aussi un "grand professionnel" aux "résultats impressionnants". Certains ont témoigné en sa faveur. Neyret, lui, reconnaît avoir "commis des imprudences", par "amitié", mais voudrait "casser l'image du pacte de corruption".
Depuis l'affaire, un téléfilm ("Borderline" du réalisateur et ancien policier Olivier Marchal) est sorti. "Je ne suis plus maître de mon image, on peut raconter n'importe quoi", enrage celui qui appréciait jadis la médiatisation - en 2011, il avait déjà inspiré Marchal pour son film sur le Gang des Lyonnais.
Michel Neyret ne digère pas en particulier la relaxe en diffamation de l'acteur François Cluzet, qui avait suggéré qu'il avait "peut-être piqué le butin" de l'ex-convoyeur de fonds Toni Musulin.
Interdit dans le Rhône dans le cadre de son contrôle judiciaire allégé, ce grand amateur de soirées mondaines, qui se flattait d'être un ‘people’, vit désormais en Isère, où son épouse tient un hôtel.
Avec AFP