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Moussavi, leader inattendu de la vague verte

Mir Hossein Moussavi, candidat malheureux à la présidentielle du 12 juin selon les chiffres officiels, incarne la vague de protestation actuelle. Portrait d’une personnalité complexe, conjuguant aspirations libérales et bases islamiques.

Costume sombre, lunettes discrètes vissées sur un visage caché derrière une barbe grise. Mir Hossein Moussavi, dont les portraits se hissent lors des manifestations à Téhéran, est devenu l’icône de la vague verte iranienne, ce mouvement de protestation né après l’annonce de la réélection du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. En quelques jours, cet ancien Premier ministre (1981-1989) issu du sérail est devenu le leader inattendu d’Iraniens aspirant à plus de liberté.

Effacé de la scène publique pendant vingt ans, Moussavi, aujourd’hui âgé de 67 ans, est sorti de l’ombre en avril en annonçant sa candidature à la présidentielle de juin. Il se présente en tant que "réformateur attaché aux principes de la révolution islamique".

Dans son programme, il affiche sa priorité : l’économie, comme tous les autres candidats. Face au bilan catastrophique de Mahmoud Ahmadinejad, il prévoit notamment de réduire l’inflation et de créer des emplois.

Sur le dossier du nucléaire, il reste dans la lignée de la République islamique. S’il se dit ouvert à la négociation avec les Six (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne et Allemagne), il n’entend aucunement renoncer au programme iranien. Au mieux, il espère apporter des garanties prouvant "que le programme n’est pas détourné à des fins militaires" ("Financial Times", avril 2009).

L’aspect libéral de son programme transparaît dans le volet social. Lors de sa campagne, accompagné de son épouse Zahra, il promet l’égalité des sexes, des femmes à des postes ministériels, une police des mœurs plus souple et des télévisions privées.

Moussavi justifie sa candidature, lors d’un vif débat télévisé avec Mahmoud Ahmadinejad le 4 juin, en déclarant "sentir le danger menaçant l'Iran" et en exprimant le souhait que "l'Iran joue son rôle de première puissance dans la région".

Le père du programme nucléaire iranien

Ce soir-là, Moussavi, réputé discret, abandonne sa voix douce pour un ton plus incisif : "Vous avez attenté à la dignité du pays", lâche-t-il à son interlocuteur. Il reproche également à Ahmadinejad d’avoir mené une politique étrangère marquée par "l'instabilité, l'extrémisme, l'exhibitionnisme, la superstition". Il entend changer l’image "extrémiste" de l'Iran, allusion directe aux déclarations d’Ahmadinejad contre Israël et les pays occidentaux.

Pourtant, le président des États-Unis, Barack Obama a rappelé, le 16 juin, alors que les pro-Moussavi et pro-Amadinejad inondaient les rues de Téhéran, que "la différence entre M. Ahmadinejad et M. Moussavi en terme de politique pourrait ne pas être aussi grande que ce qui a été dit".

Car Moussavi a un lourd passé, qui ne resurgit à la mémoire que de ceux qui l’ont vécu. Retour vers la fin des années 70 : Moussavi est alors un jeune politicien de la ligne dure. Il fait partie des fondateurs du parti islamique qui porta l'ayatollah Khomeiny au pouvoir en 1979.

Deux ans plus tard, il est nommé Premier ministre. À cette époque, l’Iran est en guerre avec l’Irak, le gouvernement ne laisse aucune place à la dissidence, étouffée au gré de arrestations et des exécutions. C’est à cette même époque que le gouvernement Moussavi approuve le lancement de son programme nucléaire secret, devenu aujourd'hui le principal point de discorde avec les États-Unis et leurs alliés.

Cette période de guerre Iran-Irak sera aussi pour Moussavi l’occasion de s’illustrer dans la gestion de l’économie du pays, faisant preuve d’une grande détermination, ce qui lui vaudra de nombreux différends avec Ali Khamenei, alors président de la République islamique, devenu aujourd’hui Guide suprême.

66 000 membres sur la page Facebook de Moussavi

Quand son poste est supprimé, il sert de conseiller au président conservateur et pragmatique Rafsandjani (1989-1997) puis à son successeur, le réformateur Khatami (1997-2005).

Aujourd’hui, alors qu’il est propulsé sur le devant de la scène, il bénéficie du soutien de ces deux figures. Dépourvu de charisme, Moussavi suscite pourtant également un engouement auprès des jeunes des villes, qui espèrent la fin de la République islamique, ou au moins que le système leur donne plus de liberté.

Il profite aussi de l’effet Internet, avec les sites communautaires. La page Facebook de Mir Hossein Moussavi compte plus de 66 000 membres.

Installé dans ce rôle de leader, il semble s’en accommoder. Depuis l'annonce de sa défaite, il fait preuve d’une motivation sans faille qui le conforte dans cette position. Son avenir politique dépend aujourd’hui de ses ambitions envers le mouvement, et de voir jusqu’où il est prêt à le porter.