L’engagement du maire de Londres, Sadiq Khan, contre le Brexit a donné un nouveau coup de pouce à sa popularité. Dans une classe politique déchirée, le travailliste dont la carrière politique n'en est qu'à ses prémices, fait figure de rassembleur.
S’il en est un à qui le Brexit réussit, c’est bien Sadiq Khan. Pendant que la classe politique britannique se déchire à la suite du résultat négatif du référendum du 23 juin sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, le tout nouveau maire travailliste de Londres est l’une des seules figures politiques à incarner le rassemblement.
"De plus en plus de Britanniques s’intéressent à lui", commente pour France 24 Freddie Sayers, chef de projet à l’institut de sondage YouGov à Londres. "Il séduit par un discours calme et positif alors que la période est trouble et marquée par beaucoup d’agressivité". Il y a deux jours, le maire de Londres, progressiste, musulman et pro-gay postait sur son compte Twitter un cliché le représentant, souriant, en compagnie de l’archevêque de Canterbury Justin Welby, du grand rabbin Ephraim Mirvis, et d’une trentaine de jeunes Britanniques de toutes confessions, pour la rupture du jeûne du ramadan.
Un cliché à l’image du multiculturalisme assumé du maire de la métropole britannique, qui vient balayer des semaines d’incidents xénophobes et de propos nauséabonds tenus durant la campagne du Brexit et dans les jours qui ont suivis le référendum.
L’anti-Boris
"Il incarne tellement l’antithèse de Boris Johnson" constate Freddie Sayers. Le charismatique ex-maire de Londres a grandi dans la haute-bourgeoisie, Sadiq Khan est fils d’un chauffeur de bus. Là où Boris Johnson achetait des canons à eau pour sa police, Sadiq Khan, lui, les revend pour financer des "activités pour les jeunes". Et le moins que l’on puisse dire, c’est que sa popularité croît à mesure que s’effondre celle de son prédécesseur à la mairie de Londres, conservateur et figure de proue du mouvement pro-Brexit.
Au lendemain du référendum, Boris Johnson ayant refusé de se présenter à la succession du Premier ministre David Cameron et d’assumer l’après-Brexit, il a déclenché l’ire des Britanniques jusque dans son propre parti, où l’ancien ministre conservateur Michael Heseltine, furieux, l’a comparé à "un général qui conduit son armée au son du canon, et abandonne le terrain une fois le champ de bataille en vue".
Bouée de secours des Londoniens
"Sadiq Khan a toujours fait profil bas, mais il est une grande figure politique en devenir", prédit Freddie Sayers. "Lorsqu’il a été élu en mai, il n’était pas encore très connu, sa victoire a surpris tout le monde, à commencer par ceux de son propre camp", constate-t-il aujourd’hui. Pour l’analyste, le grand débat qui a opposé pro et anti-Brexit le 21 juin au légendaire stade Wembley a été un tournant. Il a apporté une aura nationale au maire de Londres : "Seuls six politiques avaient été invités, trois dans chaque camps, Sadiq Khan faisait face à Boris Johnson et s’en est sorti avec brio", se souvient-il.
Et justement, après le choc du vote pro-Brexit et la démission du Premier ministre, c’est directement à Sadiq Khan que plus de 170 000 Britanniques se sont adressés à travers une pétition pour lui demander de "déclarer Londres indépendante du Royaume-Uni et de poser sa candidature pour rejoindre l'UE".
Alliance avec Anne Hidalgo
Le maire de Londres n’est pas resté les bras croisés : il a réclamé mardi que la capitale britannique dispose d'une "place à part entière à la table des négociations" sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE. La veille, il a publié dans le Parisien une déclaration commune avec la maire de Paris Anne Hidalgo, plaçant Londres au dessus des querelles du Brexit, et même au dessus des "États-nations".
"Rassembleur", "charmant", "bon communiquant", pour autant Sadiq Khan serait-il capable de prendre la tête du parti travailliste qui a désavoué mardi son leader Jeremy Corbyn ? Certains commencent à l'envisager sérieusement et lui prédisent mieux encore. Dans la twittosphère britannique, le hashtag "sadiq4pm" [Sadiq Premier ministre] est déjà dans les starting-blocks.
Cela ne fait pas de doute pour Freddie Sayers : le Royaume-Uni devra compter avec lui. Mais le calendrier ne joue pas en sa faveur. Il vient juste de prendre les rênes de Londres pour quatre ans et il doit être élu au Parlement britannique d’abord s’il veut pouvoir se présenter aux élections législatives de 2020.