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Les députés rejettent l'instauration du récépissé lors des contrôles d'identité

Les députés ont rejeté l'instauration, à titre expérimental, de récépissés lors de contrôles d'identité. L'outil, jugent ses défenseurs, est pourtant un moyen de lutter efficacement contre le "délit de faciès".

L'Assemblée nationale a rejeté, mercredi 29 juin au soir, l'instauration, à titre expérimental, de récépissés lors de contrôles d'identité. Défendu par une partie de la gauche, refusée par le gouvernement et combattue à droite, ce dispositif a pour but de lutter contre les "délits de faciès" (voir ci-dessous).

Qu’est ce que le contrôle au faciès ?

"Le contrôle au faciès est défini comme le fait de recourir à des critères d’apparence (couleur de peau…) plutôt qu’au comportement individuel pour fonder la décision de contrôler l’identité d’une personne", comme l'écrit le CNRS dans son rapport " Police et minorités visibles : les contrôles d’identité à Paris" publié en 2007.

L’expérimentation prévoyait en effet qu’un reçu soit attribué à toute personne contrôlée par les forces de l’ordre. Le document, qui ne comporte aucune donnée ethnique ou personnelle, permet ainsi d’avoir des données statistiques comme le nombre de contrôles, le motif et surtout d’évaluer leur efficacité. Appliqué en Grande-Bretagne depuis 1984, cet outil est expérimenté dans certains États américains, au Canada mais aussi en Espagne depuis 2007, où les résultats sont jugés "positifs".

"Il n'y a pas d'abus, il y a des habitudes"

Reste que le gouvernement français craint que ce dispositif ne jette la suspicion sur la police. Des contrôles d'identité plus fréquents de certains, "juste parce qu'ils sont Noirs ou d'origine maghrébine […] existent", ont martelé des socialistes actuels ou anciens, comme Pouria Amirshahi. "Il n'y a pas d'abus, il y a des habitudes", a lancé, plus prudente, l'ancienne ministre de la Justice, Marylise Lebranchu. "Dix ans qu'on travaille sur le sujet [et] "chacun sait qu'on ne trouvera pas de dispositif plus innovant", a lancé Benoît Hamon.

Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a rappelé qu’il était possible de saisir l'inspection générale de la police face à des "manquements" et a mis en garde contre une "théorisation de la consubstantialité de la violence dans la police". Il a aussi insisté sur le "contexte" pour les forces de l'ordre, "extrêmement mobilisées et fatiguées", avec le "lourd tribut pour assurer la sécurité des Français", référence notamment aux assassinats de Magnanville.

Promesse du candidat Hollande

Après environ deux heures d'un débat tendu dans l'Hémicycle, les députés ont donc repoussé par 55 voix contre 18, et six abstentions, le projet. Les députés ont repoussé les amendements déposés notamment par l'ex-ministre Benoît Hamon, et par l'écologiste rallié au groupe socialiste, Eric Alauzet, après environ deux heures d'un débat tendu dans l'hémicycle. De quoi rendre la socialiste Barbara Romagnan "extrêmement triste" que ce "tout petit signe" n'ait pas été fait. Noël Mamère y a vu une "forme de reniement", comme "avec la promesse de François Mitterrand en 1981 sur le vote des étrangers aux élections locales".

Plusieurs orateurs ont en effet rappelé l'engagement de campagne du candidat François Hollande, qui avait promis de lutter contre le "délit de faciès" dans les contrôles d'identité par "une procédure respectueuse des citoyens". Fin septembre 2012, le Premier ministre d'alors Jean-Marc Ayrault annonçait l'abandon du projet, se disant "convaincu" par Manuel Valls, son ministre de l'Intérieur de l’époque, "que ce n'était pas la bonne réponse".

À droite, des députés principalement Les Républicains (LR) ont dénoncé un "débat malsain". Guillaume Larrivé, "effaré par ce débat interne aux différentes composantes de la gauche", a souhaité la fin de "l'expérience socialiste".

Avec AFP