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Avec la victoire du "out" lors du référendum britannique, Londres et Bruxelles vont devoir s’entendre sur le type d’accord qui va régir leurs relations futures. Plusieurs modèles existent déjà. Quel sera celui du Royaume-Uni ?

Le vote britannique en faveur d’une sortie de l’Union européenne (UE) n’est qu’un début. Londres va maintenant devoir gérer avec Bruxelles l’après-Brexit.

Une période d’intenses négociations va s’ouvrir pour définir le cadre des relations futures entre le sortant et le reste de l’UE. Le traité de Lisbonne prévoit, à l’article 50, le cas inédit d’un État membre de l’Union désireux de prendre ses cliques et ses claques. Londres et Bruxelles vont tenter de définir les contours d’un accord de retrait qui s’appliquera à la date de son entrée en vigueur. À défaut d’avoir trouvé un terrain d’entente, la Grande-Bretagne quittera le giron européen automatiquement en 2018, sauf prorogation possible, et prévue par l’article 50.

Toujours est-il que plusieurs modèles de coopération existent et peuvent servir de base de négociations. Dans une longue note pour la fondation Robert Schuman de recherches sur l’Europe, le spécialiste du droit européen Jean-Claude Piris évoque sept scénarios, dont un laborieux traité au cas par cas, un avenir sans accord qui laisserait le Royaume-Uni dans une situation similaire aux pays qui n’ont pas de traité cadre avec l’UE ou encore un accord de libre-échange comme celui conclu avec le Canada (CETA).

Les pistes les plus prometteuses s’inspirent des relations que l’UE a conclu avec d’autres pays comme la Norvège, la Suisse ou encore la Turquie. Explications.

• La voie norvégienne. Modèle le plus souvent cité. La Norvège, au même titre que l’Islande ou le Liechtenstein, fait partie de l’Espace Economique Européen (EEE). Le Royaume-Uni aurait alors un accès au marché intérieur européen qui garanti la libre circulation des biens, services et personnes. Ce serait du point de vue économique et juridique, la solution “la plus simple”, écrit Jean-Claude Piris.

La City continuerait à rayonner, les exportations et importations ne souffriraient pas outre mesure. Londres retrouverait, en outre, sa souveraineté pleine et entière dans des domaines sensibles comme l’agriculture, la pêche ou la politique étrangère.

Mais les partisans du Brexit risquent cependant de rechigner. Les pays de l’EEE doivent verser une contribution au budget européen d’une importance comparable à celle d’un État membre. Ils sont contraints d’appliquer aussi toutes les règles du marché unique décidées à Bruxelles sans avoir leur mot à dire. Pas folichon pour un camp qui n’a eu de cesse de vilipender les technocrates bruxellois. En outre, la libre-circulation des personnes implique que les flux migratoires ne pourraient pas être mieux contrôlés, alors que c’était l’un des thèmes majeurs de la campagne en faveur du “out”.

• La voie suisse. Les Helvètes et l’UE ont négocié plus de 120 accords sectoriels. Ils ont un traité pour tout… sauf, notamment, pour les services financiers (secret bancaire suisse oblige). Ce modèle “pourrait plaire aux Britanniques”, estime Jean-Claude Piris. Londres pourrait s’appuyer sur le droit international, en général, et régler les détails qui l’intéressent via des accords spécifiques. Le Royaume-Uni ne serait ainsi pas tenu par les décisions des différentes cours européennes et pourrait reprendre le contrôle total de ses frontières.

Il y a fort à parier, en revanche, que l’UE refusera cette option. Elle s’est déjà plainte de la complexité des relations avec la Suisse et souhaite en simplifier le cadre. Bruxelles ne va probablement pas créer avec le Royaume-Uni un nouveau casse-tête réglementaire.

• La voie turque. Il s’agit d’une association économique avec union douanière. Autrement dit, il y aurait des accords sur le commerce des biens avec des tarifs douaniers définis en commun et l’application de certaines règles de droit communautaire.

Ce serait une manière radicale de couper le cordon politique avec Bruxelles, en se concentrant sur les aspects purement commerciaux. Mais cette solution susciterait très probablement l’ire de la City. L’union douanière ne concerne en effet pas les services (y compris financiers). La voie turque est celle qui endommagerait le plus le prestige et l’influence de la place financière londonienne. Les politiques britanniques auront sûrement à cœur de ne pas s’attirer les foudres d’un secteur qui pèse près de 12 % du PIB national.

• La voie AELE. Enfin, la Grande-Bretagne pourrait rejoindre l’Association européenne de libre-échange (AELE). Ce serait une solution à minima : “c’est une sorte de coquille vide”, résume Jean-Claude Piris. Ce cadre ne fixe de règles que pour l’échange des produits de mer et certains produits agricoles. L’AELE a été fondée en 1994 pour établir les bases des relations avec la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse. Entre temps, tous ces pays ont renforcé leurs relations avec l’UE par d’autres mécanismes comme l’EEE ou la multiplication d’accords sectoriels.

Aucune des solutions existantes ne constituent donc un modèle idéal, ce qui risque d’entraîner des négociations à rallonge pour essayer de tenter de satisfaire tout le monde. Là encore, c’est une mauvaise nouvelle pour l’économie européenne et britannique, car en l’espèce, le temps c’est de l’argent.