![Syrie : "Les diplomates qui critiquent la politique d’Obama ont peu de chance d'être entendus" Syrie : "Les diplomates qui critiquent la politique d’Obama ont peu de chance d'être entendus"](/data/posts/2022/07/21/1658409675_Syrie-Les-diplomates-qui-critiquent-la-politique-d-Obama-ont-peu-de-chance-d-etre-entendus.jpg)
Au lendemain des révélations sur les critiques d'une cinquantaine de diplomates contre la politique d'Obama en Syrie, l'ancien ambassadeur des États-Unis dans ce pays, Robert Ford, estime qu'il y a peu de chance pour que celle-ci évolue.
Le New York Times et le Wall Street Journal ont révélé, jeudi 16 juin, qu’une cinquantaine de diplomates américains avaient rédigé un télégramme diplomatique critiquant la politique du gouvernement américain en Syrie. Selon les deux quotidiens américains, ceux-ci réclament notamment que les États-Unis frappent militairement le régime de Bachar al-Assad. L’ancien ambassadeur américain en Syrie (2011-2014), Robert Ford, partage les critiques de ces diplomates et avait justement démissionné de son poste en raison de ses divergences de vue. Dans un entretien accordé à France 24, il estime que la politique actuelle menée par Barack Obama en Syrie est vouée à l’échec.
France 24 : Quelle analyse faites-vous du télégramme diplomatique critiquant la politique américaine en Syrie ?
Robert Ford : Il s’agit d’un message envoyé au secrétaire d’État John Kerry affirmant que la politique actuelle menée en Syrie est en train d’échouer et qu’elle continuera d’échouer dans l’avenir si elle ne change pas. Les diplomates qui ont signé ce télégramme estiment qu’il faut mettre davantage de pression sur le gouvernement de Bachar al-Assad afin de rendre possible une solution politique qui mettrait fin à la guerre civile syrienne et qui pourrait également convaincre les sunnites syriens de coopérer dans la lutte contre Daesh.
Pour cela, il est nécessaire, disent-ils, de mener des frappes aériennes très ciblées sur des objectifs du régime syrien pour qu’Assad comprenne qu’il doit respecter le cessez-le-feu dans un premier temps et qu’il doit, dans un deuxième temps, accepter des négociations sérieuses lors desquelles il ferait des compromis.
Le problème à l’heure actuelle, c’est que les États-Unis se concentrent seulement sur la lutte contre l’organisation de l’État islamique (EI) et pas du tout sur Assad. Or cette politique ne peut pas aboutir à une solution viable parce qu’elle permettra toujours à l’EI de recruter de nouveaux combattants.
Au total, 51 employés du département d’État ont signé le télégramme diplomatique. Est-ce inhabituel ?
C’est très inhabituel ! En près de 30 ans passés au département d’État, je n’ai jamais vu de télégramme diplomatique critique signé par autant de personnes. Il y a plus ou moins régulièrement des télégrammes qui critiquent le politique américaine sur tel ou tel sujet ou dans tel ou tel pays et c’est autorisé par le département d’État. Mais en principe, ces télégrammes sont signés par deux, trois, quatre, voire cinq personnes au plus. Donc là, 51 personnes, c’est vraiment remarquable ! Ça signifie qu’un très grand nombre de personnes qui travaillent sur différents aspects du conflit syrien – négociation avec Assad, lutte contre l’EI, problème des migrants, etc. – sont d’accord pour dire que la politique actuelle est un échec. Cela traduit leur frustration qui était aussi la mienne lorsque j’ai démissionné de mon poste d’ambassadeur en 2014.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Les diplomates critiquant la politique d’Obama ont malheureusement peu de chance de se faire entendre. Barack Obama a donné une interview il y a environ trois mois dans le magazine The Atlantic dans laquelle il a longuement évoqué la Syrie. Son discours n’a pas bougé. Il ne semble pas du tout vouloir modifier son plan.
Mais est-ce surprenant ? Il est rare de voir un président en fin de mandat changer d’un coup de politique, surtout sur un dossier de politique étrangère.
Peut-être mais est-ce que l’échec d’une politique ne doit pas mener à des changements, ceci sans tenir compte du temps qu’il vous reste à la Maison Blanche ? Car il ne s’agit pas d’une critique vis-à-vis de John Kerry dont il est question, mais d’une critique transmise à John Kerry et qui vise Barack Obama.
Peut-on imaginer que ces critiques avaient également pour but d’être entendues par Hillary Clinton, qui pourrait occuper le siège de Barack Obama dans moins d’un an ?
Non, je ne crois pas. Hillary Clinton s’est déjà exprimée publiquement sur la Syrie et a déjà montré ses différences avec Barack Obama en affirmant notamment que les États-Unis auraient dû se montrer plus durs à l’égard de Bachar al-Assad.