
Le cardinal Barbarin a été entendu durant 10 heures par la police dans le cadre de l'enquête portant sur le prêtre lyonnais suspecté d'abus sexuels sur de jeunes scouts il y a 25 ans.
Que savait le cardinal Barbarin sur le prêtre lyonnais suspecté d'abus sexuels sur de jeunes scouts il y a 25 ans ? Son audition par la police aura duré 10 heures, mercredi 8 juin. Permettra-t-elle faire la lumière sur une affaire qui empoisonne l'Église de France ?
L'un de ses avocats, Jean-Félix Luciani, a expliqué la longueur de l'audition par le fait que son client "souhaitait s'expliquer depuis de nombreux mois". "Il est traîné dans la boue depuis de nombreux mois et à un moment donné, on a envie de répondre. Il a répondu avec toute la sincérité possible", a-t-il déclaré à la presse. "Un évêque est un homme d'Église qui n'a pas une vocation policière mais plutôt celle de tenter d'aider ceux qui viennent à lui".
"Il n'y a pas de garde à vue" a précisé de son côté le parquet, qui n'exclut pas d'organiser prochainement un débat contradictoire entre les différentes parties. Le parquet devrait assez rapidement choisir entre le classement de l'affaire ou la saisie d'un juge d'instruction dans la perspective d'une mise en examen. Cette décision devrait intervenir avant la fin du mois de juin.
Me Jean-Félix Luciani s'est montré optimiste pour la suite la procédure, les questions de la police concernant "les responsabilités prêtées au cardinal pour deux infractions : la non-dénonciation d'un délit ou d'un crime d'une part et d'autre part l'omission de prêter assistance à une personne en péril". "Je pense qu'il n'y aura pas de suite", a-t-il estimé.
La convocation de Mgr Barbarin, après plusieurs mois de scandale, est intervenu quatre jours après la publication d'une lettre apostolique dans laquelle le pape François a ouvert la voie à la révocation d'évêques coupables de "négligence" dans leurs fonctions face à des cas de pédophilie.
Le primat des Gaules, mis en cause pour des faits de "non dénonciation" d'agressions sexuelles sur mineurs et de mise en danger de la vie d'autrui, a dû s'expliquer sur le cas du père Bernard Preynat, mis en examen fin janvier pour des agressions sexuelles commises sur de jeunes scouts entre 1986 et 1991.
Cette affaire qui vise l'une des personnalités les plus influentes de l'Église de France est complexe : les faits sont anciens et le cardinal Barbarin, qui assure n'avoir "jamais couvert le moindre acte de pédophilie", n'est arrivé dans le diocèse de Lyon qu'en 2002. Soit 11 ans après le dernier fait retenu par la justice contre le "père Bernard".
Prescription
Depuis quand l'archevêque était-il au courant ? De quoi a-t-il été informé et par qui ? Pourquoi avoir laissé ce prêtre exercer dans une paroisse au contact d'enfants jusqu'en août 2015 ? Sans dénoncer les faits à la justice ?
Les réponses publiques du diocèse ont varié : évoquant d'abord un premier contact avec une victime en 2014, le cardinal a ensuite précisé avoir entendu parler de l'affaire, via un tiers, dès 2007-2008. Date qui peut avoir de l'importance, la prescription en matière de non-dénonciation étant de trois ans.
Lors d'une réunion du clergé lyonnais, le 25 avril, le cardinal a reconnu "des erreurs dans la gestion et la nomination de certains prêtres". Il a également demandé pardon aux victimes. Le pape lui a enfin apporté un soutien sans équivoque.
Mais pour les victimes regroupées au sein de l'association La Parole Libérée, l'archevêque a bel et bien voulu étouffer les agissements de Bernard Preynat, en faisant perdurer "l'omerta" qui prévalait depuis les années 1970. Au moins six d'entre elles ont porté plainte.
Une seconde enquête préliminaire pour "non-dénonciation" est par ailleurs toujours en cours. Elle concerne une plainte d'un haut-fonctionnaire du ministère de l'Intérieur affirmant avoir été victime d'agressions sexuelles, à 16 et 19 ans, de la part d'un autre prêtre lyonnais dans les années 1990. Le cardinal n'est pas entendu dans ce cadre mercredi.
Avec AFP